Avec la chimie scientifique, c’est l’industrialisation qui fait son entrée dans l’histoire du médicament au début du XIXe siècle.
Première diffusion : 31 octobre 2017
Peu à peu, une méthodologie rigoureuse s’installe avec les essais thérapeutiques en double aveugle et le rapprochement entre le chimiste, le physiologiste, le biochimiste et le clinicien. Aujourd’hui encore, cette chimie d’extraction et de synthèse est pourvoyeuse d’une grande partie de nos médicaments. La recherche sur les substances naturelles connaît un tournant dans les années 1990, avec l’arrivée d’une nouvelle technologie : le criblage haut débit. Des robots se mettent à analyser des milliers d’extraits végétaux par jour pour y détecter des molécules actives, susceptibles d’être efficaces contre telle ou telle pathologie. Les plantes restent au coeur de la pharmacopée humaine. La démarche systématique consiste à cribler des familles entières de substances chimiques provenant d’extraits purifiés de substances végétales ou marines, d’isoler la substance qui produit l’effet observé, de la caractériser et de la synthétiser ou de l’extraire en fonction de la difficulté ou du coût de ces opérations.
Il y a 20 ans, on avait à peu près 30% de médicaments à base de plantes. Aujourd’hui l’administration a préféré rembourser les molécules donc on a de moins en moins de plantes […] Je pense qu’on a encore 20% de ces médicaments-là. Jacques Fleurentin
Dans le domaine de la cancérologie, 42% des médicaments de chimiothérapie sont au départ d’origine végétale. Jacques Fleurentin
Pour augmenter leur rentabilité, la plupart des grands laboratoires pharmaceutiques ont voulu mettre un terme à leurs recherches sur les substances naturelles pour se tourner vers les molécules directement fabriquées par les laboratoires de chimie. La chimie combinatoire, notamment, a permis d’assembler des millions de molécules, au hasard, à moindre coût, plus simplement et dans un cadre juridique plus rentable que les molécules issues de la nature. Elle alimente d’immenses chimiothèques, que les robots criblent à la recherche de molécules actives. Mais si cette chimie combinatoire produit plus que la nature, elle le fait moins bien : elle fabrique des molécules très simples, qui ont très peu de chance d’avoir une utilité quelconque. Alors que la molécule naturelle a une structure d’une complexité et d’un raffinement que l’homme est incapable d’imaginer. Elle est le fruit de millions d’années de sélection, donc elle a souvent une utilité d'adaptation biologique.
Sur les traitements chroniques, nous avons des conditionnements à 40, à 50 comprimés et tout le monde nous demande « mais pourquoi ? ». Et en été, nous avons encore des conditionnements à 28, vous imaginez bien que 2 x 31 jours, tout le monde est décalé dans ses traitements. C’est contraire à l’observance parce que certains vont jusqu’à arrêter leur traitement le dimanche pour rattraper les doses qu’ils n’ont pas pu prendre. Claude Hammer
Cette méthode exige un nombre considérable de substances naturelles à passer au crible. Laboratoires et centres de recherche continuent donc à étoffer leurs collections végétales à l’aide de campagnes de prospection dans les forêts et autres écosystèmes les plus riches en biodiversité. Celles-ci sont récoltées sur le terrain, identifiées, puis séchées et extraites par des solvants, jusqu’à aboutir à un extrait végétal mis en plaque dans de petits tubes, prêts pour le criblage. Si une molécule active est alors détectée, le chimiste l’isole, puis identifie sa structure, afin de la reproduire intégralement, par synthèse, ou la modifier en partie. Le but : aboutir à une molécule unique, simplifiée et améliorée, facile à produire en laboratoire.
Si on va chercher des plantes en Amazonie auprès des populations traditionnelles et qu’on décide d’en faire un brevet, on exploite en fait des droits qui n’appartiennent pas à l’industriel.
La Convention de Rio de 1992 a deux idées majeures. La première c’est de dire que chaque pays est détenteur d’une biodiversité qui lui appartient parce qu’elle pousse sur son territoire et qu’elle doit tout mettre en œuvre pour la protéger et la maintenir. La deuxième idée c’est de dire que s’il faut développer certaines plaintes dans le domaine économique, industriel, génétique, ça ne doit pas être un pillage à sens unique. Ça doit être un accord entre deux parties. Jacques Fleurentin
Aujourd'hui la recherche progresse en génétique, et les dernières découvertes sur le microbiote et sur la phagothérapie connue depuis plus d'un siècle ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques où le médicament est aussi composé d'organismes vivants, bactéries et virus.
Avec :
- Claude Hammer, pharmacien à Woippy
- Bernard Weniger, pharmacien
- Bruno Toussaint, directeur éditorial de la revue Prescrire
- Jacques Fleurentin, ethnopharmacologue, Société Française d'Ethnopharmacologie
- Pierre Chirac, directeur de publication de la revue Prescrire
- Quentin Ravelli, auteur de La stratégie de la bactérie aux éditions du Seuil
- Gilles Barroux, auteur de La médecine de l'Encyclopédie aux éditions du CNRS
- Julien Franquin, pour la visite de l'usine Lehning
Un documentaire de Lydia Ben Ytzhak, réalisé par Anna Szmuc
Pour aller plus loin
Plantes, molécules et médicaments : une conférence de Thierry Sevenet, Institut de chimie des substances naturelles, Gif-sur-Yvette, 2000.
Plantes, médicaments et génétique. Quelles applications pour demain ? article de Loïc Faye & Yves Champey, à lire sur le site de l’Inserm
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