Ecrire l’histoire : épisode • 4/4 du podcast Les retours du passé

Pierres d'achoppement de l'artiste Gunter Demnig
Pierres d'achoppement de l'artiste Gunter Demnig ©Getty - Ullstein bild
Pierres d'achoppement de l'artiste Gunter Demnig ©Getty - Ullstein bild
Pierres d'achoppement de l'artiste Gunter Demnig ©Getty - Ullstein bild
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Comment écrire l'histoire? Écrivains et historiens traversent la même expérience. La forme est essentielle. Trouver les mots, le ton juste, le bon geste. Traiter la blessure sans la refermer.

Les retours du passé constituent aujourd’hui la matière vive de l’écriture du souvenir et de l’histoire. Qu’ils soient écrivains ou historiens, ceux qui se donnent pour mission de faire le récit des traumatismes du XXe siècle traversent une même expérience.

Physique, brûlant, existentiel, un travail difficile qu’évoque Christian Ingrao, historien de la Seconde Guerre mondiale : “Pour pouvoir s'approcher des réalités sur lesquelles ils travaillent, les historiens du nazisme et des violences de masse doivent payer une sorte de coût psychique, quelque chose qui est de l'ordre de la brûlure indirecte”. Et pourtant, il ajoute que même “s'il est difficile d'être historien du nazisme, je ne laisserai cette place à personne d'autre, car travailler sur la Shoah constitue sans doute le plus intense de tous les observatoires de la beauté et de la laideur humaine”.

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Clara Royer, historienne, écrivaine et scénariste, explique comment elle a surmonté cet obstacle : “Travailler sur la Shoah était presque insurmontable. La fiction m’a semblé alors impérieuse et évidente, parce que nous ne sommes pas des témoins. Et parce que la fiction permet de dire une vérité sans offenser la mémoire des morts”.

La question de la forme est essentielle. Le piège serait de céder au pathos et à la tentation du joli mot. Le pire serait de refermer la blessure avec le sel des larmes. Entre émotion et réflexion, tout est affaire d’équilibre.

Comme l’explique Hanna Krall, journaliste et écrivaine : “Il est très facile d'être inadéquat lorsqu'on parle de la Shoah, de céder à la tentation du beau à la trouvaille d'un joli mot, il est facile d'être inapproprié. Il faut rester vigilant, faire très attention à ne pas céder à la tentation d'écrire joliment. Ma méthode, c’est la retenue. ”

Un documentaire de Christine Lecerf, réalisé par Franck Lilin.

Avec :

Johann Chapoutot, historien du nazisme

Julia Chimiak, guide au Musée Polin de Varsovie

Piotr Cywinski, historien, directeur du musée de Birkenau

Georges Didi Huberman, historien d’art et écrivain

Maja Haderlap, écrivaine

François Hartog, historien, spécialiste du temps

Christian Ingrao, historien de la seconde guerre mondiale

Hanna Krall, journaliste, écrivaine

Peter Nadas, écrivain

Doron Rabinovici, historien et écrivain

Clara Royer, historienne, écrivaine et scénariste du Fils de Saul de László Nemes

Gabor Schein, écrivain

Textes lus :  Maja Haderlap, L'ange de l'oubli ;  Hanna Krall, Preuves d'existence ;  Peter Nadas, Mélancolie ;  Gabor Schein, Lazare

Voix : Andrea Schieffer, Igor Mendjisky, Aleksandra Yermak, Arben Bajraktaraj

Traduction : Agnieszka Zgieb, Christine Lecerf

Documentation : Maria Contreras

Mixage : Benjamin Thuau

Remerciements : Gyorgy Dragoman, Joëlle Dufeuilly, Chiara Benmestoura, Lutz Seiler, Bernard Banoun.

Bibliographie

  • Johann Chapoutot, Le grand récit, PUF, 2021
  • Johann Chapoutot, Les 100 mots de l’histoire, Que sais-je?, 2021
  • Georges Didi Huberman, Eparses, Minuit, 2020
  • Maja Haderlap, L'ange de l'oubli, trad.Bernard Banoun, Métailié, 2015
  • François Hartog, Croire en l'histoire, Flammarion, 2013
  • Christian Ingrao, Les urgences de l’historien, Cerf, 2019
  • Hanna Krall, Ryszard Kapuściński, La Mer dans une goutte d'eau, traduit par Margot Carlier, Noir sur blanc, 2016
  • Peter Nadas, Mélancolie, traduit par Marc Martin, Le bruit du temps, 2015
  • Doron Rabinovici, I wie Rabinovici. Zu Sprachen finden, Sonderzahl, 2019
  • Clara Royer, Imre Kertész : “L’histoire de mes morts, Actes Sud, 2017
  • Gabor Schein, Lazare, traduit par Clara Royer, Editions Petra, 2013

Partenariat

LSD, La série documentaire est en partenariat avec  Tënk, la plateforme du documentaire d’auteur, qui vous permet de visionner jusqu'au 7/2/2022 le film de  Elsa Maury , produit par le  Centre Vidéo de Bruxelles  Nous la mangerons, c'est la moindre des choses(65')

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