Quand la mort déferle   : épisode 2/8 du podcast La Grande peste, l'empreinte d’une tueuse

Registre paroissial de Givry (1334-1357) en Bourgogne
Registre paroissial de Givry (1334-1357) en Bourgogne - Perrine Kervran
Registre paroissial de Givry (1334-1357) en Bourgogne - Perrine Kervran
Registre paroissial de Givry (1334-1357) en Bourgogne - Perrine Kervran
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Face à une mort de masse  d’une violence inédite, les populations ont dû réinventer les usages funéraires, des usages sur les traces desquels travaillent les archéologues d’aujourd’hui. 

Les chiffres, même si ils sont impossibles à établir précisément, donnent le vertige, on dit parfois qu’un tiers, parfois la moitié de la population est morte, on parle de 25 à 75 millions d’européens qui auraient été fauchés et comme le précise Michel Signoli, "c'est une ponction démographique qui a fortement marqué ces populations,  et on estime que 25 millions d'Européens ont disparu. Les gens ressentaient les premiers symptômes le matin et le soir, ils sont morts".

Le registre paroissial de Givry en Saône-et-Loire, miraculeusement préservé en est d’ailleurs un témoignage concret et bouleversant. En le feuilletant Isabelle Vernus constate que, "les années précédentes, on était autour de 20-25 décès par an et en 1348, entre le mois de juin et le mois de novembre, on est à presque 630 décès. Il y a des jours, en septembre par exemple, quand c'est vraiment le pic de l'épidémie où en une seule journée on compte 24 morts".

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Bref on ne sait pas chiffrer, mais ce qu’on sait c’est qu’une mort en masse, brutale et rapide a déferlé partout dans le monde, provoquant stupeur et traumatisme.  Quelques textes témoignent de cimetières saturés, de fosses qui débordent et de l’impossibilité de tenir le rythme des funérailles. Pourtant l’archéologie nous indique qu’autant que possible les rites ont été préservés comme le remarque Michel Signoli : "C’est absolument impossible de tirer des grandes conclusions sur la gestion funéraire de l'épidémie qui arrive à ce moment-là. Il y a la trace archéologique de cette mort de masse et des sépultures de masse parce qu'il faut gérer ces corps  et il y en a parfois plusieurs dizaines, centaines, voire plusieurs milliers de milliers par jour. On voit les corps qui sont déposés à la hâte, souvent tête bêche. On va vite pour inhumer le corps. On ne fait pas dans la sépulture individuelle. Néanmoins, on inhume les corps, c'est-à-dire que même si c'est à minima, il y a un minimum de gestes funéraires autour du défunt parce que c'est important puisqu’on est dans une société chrétienne. Et d’ailleurs il y a souvent une question qu'on se pose. C'est pourquoi, pour des raisons d'hygiène, on ne brûle pas les corps, mais parce qu'on ne brûle pas les chrétiens".

Un documentaire de Perrine Kervran, réalisé par Anne Perez.

Avec :

Patrick Boucheron, historien, médiéviste, professeur au Collège de France

Dominique Castex,  Archéo-anthropologue

Michel Signoli, Archéo-anthropologue, CNRS, Université Bordeaux (France)

Isabelle Vernus, directrice des Archives de Saône-et-Loire

Catherine Vincent, historienne,  professeur d'Histoire du Moyen Âge Membre senior de l'Institut universitaire de France

Etienne Anheim, historien du Moyen age, anime un séminaire sur Pétrarque à l’EHESS

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