La Réunion, stérilisations sans consentement, exils forcés : épisode 3/4 du podcast Politique et race en France, un mariage dangereux

Des enfants exilés de force se rassemblent en février 2014 devant l’Assemblée nationale à Paris pour demander que la France reconnaisse ses responsabilités.
Des enfants exilés de force se rassemblent en février 2014 devant l’Assemblée nationale à Paris pour demander que la France reconnaisse ses responsabilités.  ©AFP - ERIC FEFERBERG
Des enfants exilés de force se rassemblent en février 2014 devant l’Assemblée nationale à Paris pour demander que la France reconnaisse ses responsabilités. ©AFP - ERIC FEFERBERG
Des enfants exilés de force se rassemblent en février 2014 devant l’Assemblée nationale à Paris pour demander que la France reconnaisse ses responsabilités. ©AFP - ERIC FEFERBERG
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La République s'est-elle perdue à La Réunion ? Des années 1960 aux années 1980, la France a-t-elle commis l’irréparable en pratiquant l’eugénisme sur l’île ? Pour celles et ceux qui en ont été victimes, il n’y a pas de doute. Pour les autorités françaises, c’est plus compliqué.

Dans les années 1960, des médecins de la clinique de Saint-Benoît à la Réunion ont pratiqué des interventions gynécologiques contre le gré de ces femmes réunionnaises. La Réunion est alors en proie à la pauvreté, l'analphabétisme, et, selon les autorités, la surpopulation. 

Pas moins de 400 000 personnes peuplent l'île dans les années 1960. Pour faire face à cette démographie galopante, le député Michel Debré décide de mettre en place une politique de limitation des naissances. Un nombre inchiffrable de femmes ont été victimes d'avortements ou de stérilisations sans avoir donné leur consentement. Dans le même temps et pour lutter contre la pauvreté galopante, des milliers d’enfants réunionnais ont été arrachés à leur famille et exilés de force en métropole. Objectif affiché : repeupler les régions les moins denses de l’Hexagone. On les a appelé « les enfants de la Creuse ». Aujourd’hui, certains des 2150 enfants recensés tentent d’exhumer cette histoire peu glorieuse de la République. Peut-on parler de racisme d’État ? 

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L'État contrôle le corps des femmes

C'est le même État qui d'un côté, criminalise l'avortement en France métropolitaine jusqu'en 1975, et de l’autre, mène une politique très différente sur l'île de La Réunion. Un peu moins aux Antilles, en Guadeloupe et en Martinique, bien que cela ait eu lieu, mais massivement à l'île de La Réunion puisqu'on parle de milliers de femmes qu’on a fait avorter ou stérilisées par an, sans consentement Donc oui, pour moi, c'est absolument une expression du racisme d'État. Françoise Vergès 

Un aller simple

Des assistantes sociales sillonnaient l'île. Elles allaient vers les familles pauvres et faisaient signer des papiers aux parents qui étaient bien souvent illettrés. Ils ne savaient pas ce qu’ils signaient. C'est à dire que l'État, à ce moment là, promettait aux familles : « On prend vos enfants, ils vont partir vers la métropole pour une éducation et ils vont revenir tous les ans. » Mais ce qui est grave, c'est que nous sommes partis pour un aller simple.  Valérie Adanson

Vers la reconnnaissance

Emmanuel Macron nous a adressé une lettre en novembre 2017. Il y est écrit : « Il apparaît à présent, avec les lumières du recul de l'histoire, que cette politique était une faute, car elle a aggravé dans bien des cas la détresse des enfants qu'elle souhaitait aider. » Le président de la République reconnaît la faute de l'État et nous allons nous appuyer sur cette déclaration pour avancer sur le plan juridique. Valérie Adanson

Avec 

  • Françoise Vergès, politologue, militante féministe et antiraciste
  • Inel Annette, membre de la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d'outre-mer
  • Valérie Andanson, porte-parole de la Fédération des enfants déracinés des départements et régions d'outre-mer
  • Jarmila Buzková, réalisatrice  
  • Elisabeth Rabesandratana, avocate  

Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Somany Na 

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LSD, La série documentaire est en partenariat avec Tënk, la plateforme du documentaire d’auteur, qui vous permet de visionner jusqu'au 19/10/20 le film de Grano Amaro de Cyril Berard et Samuel Picas (56min, 2020)

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