

Elle nous disait toujours : "mes petites, vous êtes des sauvages, chez nous, c’est le paradis". Alors je rêvais de connaître la France. Aziza, aide-soignante à la retraite
Moi aussi, je me considère comme bien intégrée. Je parle et j’écris le français comme vous et moi, et pendant longtemps j’ai même oublié que j’étais née en Algérie. C’est sur le tard que j’ai eu le sentiment qu’on m’avait enlevé quelque chose ou que j’avais peut être abandonné des bouts de moi en cours de route. Adila Bennedjaï-Zou
En tant que femme arabe, je vis dans la peau d’un cliché. Je sais à peu près ce qu’il fait peser sur moi de l’extérieur mais j’ai beaucoup de mal à démêler ce qu’il me fait à l’intérieur.
Je ne veux pas dire arabe parce qu’il y a des arabes je ne suis pas fière d’eux. Je préfère dire maghrébine ou tunisienne. Aziza, aide-soignante à la retraite
Grandie dans une famille mixte, où la culture française a dominé, j’ai longtemps méprisé les autres femmes arabes, me sentant différente et parfois supérieure.
En ça je suis l’héritière d’une histoire des nord-africaines de France qui m’habite et me dépasse. Je veux la revisiter à ma manière.
C'est avec la guerre d'Algérie que les questionnements et les divisions sont arrivés. On m'interrogeait toujours sur "de qui j'étais la fille", de mon père Fellagha ou la fille de ma mère, du côté du colonisateur. Je ne pouvais pas répondre, je ne savais pas répondre. Leïla Sebbar, écrivaine
Et cette histoire a commencé au XIXème siècle, avec la conquête coloniale et s’est poursuivie avec l’arrivée des immigrés nord-africains durant tout le XXème siècle. Aziza, Shéhérazade et Leïla font partie des pionnières, elles sont arrivées en France dans les années 60, quand leurs pays respectifs étaient encore des colonies.
L'arabe me manque, mais pas assez pour que je lui fasse une place dans ma vie. C'est ça pour moi être colonisé : ne pas souffrir de ce que l'on m'a enlevée, voire même y renoncer de mon plein gré. Adila Bennedjaï-Zou
Avec : Atika Zou, comptable à la retraite ; Christelle Taraud, historienne ; Aziza, aide-soignante à la retraite ; Shéhérazade, danseuse de cabaret à la retraite ; Leïla Sebbar, écrivaine.
Une série documentaire de Adila Bennedjaï-Zou, réalisée par Anne Pérez
Bibliographie
- Sexe, races et colonies, dirigé par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boetsch, Dominic Thomas et Christelle Taraud. Editions la découverte
- La prostitution coloniale, Christelle Taraud, Editions Payot
- La France Arabo Orientale, dirigé par Naïma Yahi et Yvan Gastaut
- Fatima ou les Algériennes au square, Leïla Sebbar, Editions Elyzad
- Shéhérazade, 17 ans, brune frisée, les yeux verts, Leïla Sebbar, Stock
Liens
- Femmes et racisme dans les colonies européennes. Article de Simon Katzenellenbogen paru dans la revue Clio, Histoire‚ femmes et sociétés, n° 9, 1999.
- Femmes et genre en contexte colonial, XIXe-XXe siècles : un colloque international organisé à Paris en janvier 2012. Ici, en ligne, l’ensemble des communications enregistrées lors de ce colloque.
- Les femmes marocaines et le vieillissement en terre d'immigration, article de Fatima Ait Ben Lmadani, paru dans Confluences Méditerranée, 2001/4 (N°39)
- A propos du film de Nadir Dendoune : Des figues en avril, un documentaire sur sa mère, venue rejoindre son mari en France en 1961.
- Je ne parle pas la langue de mon père. Leïla Sebbar parle du travail de mémoire qu’elle a fait pour écrire ce livre sur son père. Dans Confluences méditerranée n°45.
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