Passeur - Comment j'ai fait passer la frontière à des réfugiés : épisode • 1/2 du podcast Passer les frontières, 4 histoires de frontières

Ahmad, Ibrahim et Thomas dans la descente, côté français du col de Fenestre
Ahmad, Ibrahim et Thomas dans la descente, côté français du col de Fenestre ©Radio France - Raphaël Krafft
Ahmad, Ibrahim et Thomas dans la descente, côté français du col de Fenestre ©Radio France - Raphaël Krafft
Ahmad, Ibrahim et Thomas dans la descente, côté français du col de Fenestre ©Radio France - Raphaël Krafft
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7 octobre 2015, je fais passer illégalement et clandestinement la frontière franco-italienne à deux jeunes citoyens soudanais Ahmad et Ibrahim. Ceux-ci désiraient demander l’asile en France. Ils avaient été par deux fois refoulés vers l’Italie au mépris d’un droit inscrit dans notre constitution.

Un documentaire de Raphaël Krafft, réalisé par Jean-Philippe Navarre

Ce documentaire a obtenu la médaille d'or dans sa catégorie au NYF's International Radio Program Awards for The World's Best Radio Programs.

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J’étais venu dans la région de Menton-Vintimille pour réaliser une série de reportages sur la fermeture de la frontière aux réfugiés par la France. Après des mois passés à couvrir la question des réfugiés à Paris, après vingt années de reportage sur différentes zones de fracture en France ou à l’étranger, j’ai, pour la première fois, ressenti la nécessité de commettre un acte de désobéissance civile et de le rendre public par la voix d’un récit documentaire.

Ibrahim, Thomas et Ahmad dans l'ascension du col de Fenestre, en arrière-plan.
Ibrahim, Thomas et Ahmad dans l'ascension du col de Fenestre, en arrière-plan.
© Radio France - Raphaël Krafft

Alors, le 7 octobre 2015, j’ai fait passer illégalement et clandestinement la frontière franco-italienne à deux jeunes citoyens soudanais Ahmad et Ibrahim. Ceux-ci désiraient demander l’asile en France. Ils avaient été par deux fois refoulés vers l’Italie au mépris d’un droit inscrit dans notre constitution et de toutes les procédures prévues par les traités dont notre pays est signataire.

Il m'importait d’abord qu’ils passent en France sans risquer de se faire refouler une troisième fois ; que l’ultime étape de leur voyage tranche avec les tragédies qu’ils avaient vécues en Libye ou lors de leur périlleuse traversée de la mer Méditerranée. Je voulais que leur arrivée en France soit un moment heureux marqué par le sceau de l’hospitalité ; mais aussi par la beauté, parce qu'il me semble que l’idée de la France est indissociable de ses paysages.

Hubert, travailleur social "La seule chose qu'ils demandent, les migrants, c'est qu'on ouvre la frontière, mais ils ne demandent rien d'autre c'est-à-dire bienveillance, charité....."

Pour toutes ces raisons, j’ai choisi le col de Fenestre qui relie la vallée de l’Entraque en Italie à celle de la Vésubie en France. Je l’ai choisi pour sa dimension symbolique aussi, lui qui a vu passer depuis plus d’un siècle tout ce que l’Europe a produit de personnes en quête d’espérance, de protection et de liberté : Russes ou Arméniens fuyant les persécutions à partir des années 20, réfugiés antifascistes à partir de 1922, Juifs d’Allemagne et d’Europe centrale à partir de 1933-34 puis italiens et encore allemands victimes de l’Italie fasciste, Yougoslaves à partir de 1955, etc.

Ibrahim et Thomas regardent le col de Fenestre lors d'une pause.
Ibrahim et Thomas regardent le col de Fenestre lors d'une pause.
© Radio France - Raphaël Krafft

Ce documentaire suit des réfugiés dans cette région proche de l’Italie, mais aussi des citoyens engagés qui les aident ou les conseillent…et puis, ensemble, nous passons la frontière…

Un migrant soudanais : "On fait de notre mieux pour ressembler à des citoyens normaux. C'est un peu comme un jeu d'acteur mais malgré nos efforts la police nous rattrape. C'est une évidence tout le monde peut me reconnaître."

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