

Comment transformer son expérience, de l’automédication, de la maladie mentale, de l’addiction, en un savoir, et le mobiliser pour aider d’autres à supporter ce qu’on a traversé ? A la rencontre des savoirs expérientiels et de celles et ceux qui les portent.
À La Chapelle, un quartier de Paris, sous une bretelle d’autoroute, un espace de réduction des risques accueille des centaines de toxicomanes addicts au crack. Dans l’équipe, Elsa, travailleuse sociale et Fabrice, usager-pair. Il raconte son parcours, de la descente aux enfers à la transformation de son usage en savoirs expérientiels utiles aux autres : “J'ai été suivi ici en tant qu’usager de drogues avant d'endosser le poste de travailleur-pair, je connais donc bien la communauté. Mon avantage, c’est que les gars me connaissent et lorsqu’ils viennent ici, ils sont naturels avec moi, j'ai été complètement validé du côté des usagers, mais aussi du côté de l’équipe”. Un constat partagé par Elsa : “Ce qui est très intéressant, c'est justement ce savoir expérientiel qu’a Fabrice, ce savoir de terrain. Nous, on a beau être en lien avec les usagers, bien les connaître, ils n’ont pas les mêmes échanges et ont moins de barrières avec lui qu’avec nous.”
À Montreuil, Charlie et Luciole parlent du collectif Flirt, qu’elles ont créé autour de l’auto-injection d’hormones pour les femmes trans. Elles sont un certain nombre à s'injecter elles-mêmes des hormones pour mieux contrôler leur transition, mais cette pratique n'est pas encadrée par les parcours de transition classique et mal connue (voire mal vue) par les médecins. Le Flirt est né de ce besoin, d'avoir un espace et des savoirs communautaires, pour leurs paires qui veulent transitionner autrement, sans dépendre du regard médical. Pour Céleste, usagère du Flirt, rejoindre cet espace “correspondait à un besoin de communauté et de rompre avec la solitude liée à mes questions sur la transition, sur ma transidentité que je me posais à moi seule. Quand on se pose toutes ces questions, on est seule, autour de soi, personne ne se pose ces questions. Donc c'est très précieux de pouvoir accéder à ces espaces. Et quand j'y suis allée, c'est là que j'ai appris, plus qu’en posant des questions à ma médecin qui pourtant est quand même plutôt ouverte sur la question”.
Judith et Éric, eux, se sont rencontrés au centre Colbert, à Paris. Éric est atteint de schizophrénie. Judith est la médiatrice en santé paire du service. Elle a connu la psychiatrie pour des troubles bipolaires, puis a rejoint le programme de formation des médiateurs en santé pair à Paris 13. Là, elle a appris à utiliser son expérience, à la concevoir comme des "savoirs expérientiels" qui pourraient venir en aide à d'autres. Elle intervient désormais au sein une équipe médicale, pour traduire le langage de la psychiatrie et accompagner les patients vers le rétablissement: “Par rapport aux autres soignants, j'ai une position complètement différente, j'ai une place plus informelle. Le médiateur de santé-pair, c'est le pivot soignant/soigné, c'est à dire que j'ai un pied du côté des soignants, et un pied du côté des patients. Même si l'hôpital reste une institution qui me protège en donnant un cadre thérapeutique dans ma relation avec les patients, je suis quand même très proche d'eux. On parle d'ailleurs pour les médiateurs de santé-pair de bilinguisme, parce qu'effectivement je parle la langue des patients tout en ayant appris dans ma formation et dans mon métier, à parler la langue des soignants”.
Un documentaire de Claire Richard, réalisé par Assia Khalid.
Avec :
- Elsa, travailleuse sociale
- Fabrice, usager-pair
- Charlie, membre du collectif Flirt
- Luciole, membre du collectif Flirt
- Céleste, participante aux ateliers du collectif Flirt
- Sophie Le Goff, médecin généraliste
- Judith, médiatrice en santé paire du service du centre Colbert
- Éric, patient du centre Colbert
L'équipe
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