Et si la catastrophe était déjà là, et la suite résolument non prévisible...
Partir de faits avérés, longer le couloir de la chimie dans le sud de Lyon, 13 sites classés " SEVESO seuil haut" concentrés dans une zone urbanisée, y croiser des fumées sombres, un air saturé de pollutions et la mémoire vive des catastrophes industrielles...
Aujourd’hui, le Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) doit être signé au niveau national pour éviter que ne se reproduise le scénario de l’exposition de l’usine AZF de Toulouse. Près de 130 millions d’euros ont été mis sur la table mais après 8 ans de travail, le PPRT, après avoir été adoubé, a été annulé, pour vice de procédure car dispensé d'évaluation environnementale par une instance non indépendante.
26 000 habitants et 12 000 employés vivent exposés aux risques industriels. Une autoroute passe au cœur de la Vallée de la chimie, en pleine zone rouge, zone de risque létal, ou encore un cœur de ville à Pierre-Bénite se trouve en zone bleue, c’est à dire en zone gelée…. Comment vivre à l’ombre de la catastrophe ? L'historien Stéphane Frioux rapelle : "La chimie s’est installée au sud de Lyon au XIXe siècle. Au moment de la catastrophe de Feyzin, on l’a surnommé alors, le couloir de la chimie." De son côté une habitante de Pierre-Bénite constate : "Le ciel est souvent très bas. On voit cette espèce de brume de pollution, de bonne heure le matin, d’un vilain gris".
Ajoutons et combinons à la façon des collapsologues les multiples facteurs de risques, que pouvons-nous en comprendre ? Le réchauffement climatique, l’augmentation de la pollution de l’air, les nanoparticules tendent à faire penser que nous vivons dans un monde déjà contaminé. Qu’est-ce que l’homme, ingénieux et clairvoyant, peut-il encore prévoir ? La philosophe Elsa Dorlin explique : "On a acclimaté les populations à considérer qu’il n’y a pas de risque zéro. Et du coup, il faut prendre un peu de risque en mangeant, en s’habillant, en respirant...", elle poursuit : "Un des exemples, les plus parlant sont les produits ménagers, qui ont une très haute teneur toxique. L’information sensorielle a été retraduite. Pour que ça sente le propre, il faut que ça pue la javel mais la javel détruit le corps".
Pour la chercheuse Céline Luttof il est urgent d'agir : "ça c’est une certitude. Mais le risque de dire : "tout risque de s’effondrer dans 20 ou 30 ans", ça peut aussi amener à se dire : "ce n’est pas la peine de faire quoi que ce soit puisqu’il n’y aura plus rien !".
Sommes-nous face à un fait total ? Comment appréhender des risques dépassant les frontières et les cadres d’intelligibilités des normes nationales, voir internationales ? Comment tenir compte des risques réels et combinés ? Réponses auprès de collapsologues, chercheurs, ingénieurs et habitants d’une zone en délaissement.
Avec :
- Des habitants du couloir de la chimie
- Céline Luttof, enseignante et chercheure en sciences sociales à l'Université Grenoble Alpes, spécialiste des risques extrêmes et des vulnérabilités
- Stéphane Frioux, maître de conférences d'histoire contemporaine à l'Université Lumière Lyon 2S, spécialiste d’histoire urbaine et environnementale
- Gwenola Le Naour, maître de conférences de science politique à Sciences Po Lyon, spécialiste des régulations en santé publique et environnementale,
- Patrick Lagadec, consultant international en pilotage des crises
- Renaud Becot, post-doctorant en histoire contemporaine au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA)
Une série documentaire de Nedjma Bouakra, réalisée par Yvon Croizier.
Liens
La Contamination du monde, François Jarrige, Sciences humaines, éd. du Seuil
Vivre la catastrophe : dossier de la revue Communications, n°96, 2015
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