Commentaires : Alain, la guerre et la paix

France Culture
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Par Raphaël Enthoven Réalisation: Brigitte Bouvier « Dis-moi, qu'as-tu appris à la guerre ? - A mieux compter sur mon corps, que je croyais fragile, et que la crainte d'être malade est la cause principale des maladies. Encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - A mieux goûter la joie d'être vivant. Je mange, je bois, je respire, je dors avec bonheur. Je m'inquiète peu des petites choses. Encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - A aimer les chaussures larges et les cols mous, à perdre l'habitude bourgeoise de vouloir imposer par l'extérieur. C'est un souci de moins. Encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - A décider vite. (...) Autrefois je délibérais avant de commencer, ce qui est craindre avant de savoir. Encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - Que les choses ne nous veulent ni mal ni bien, et que, si dangereuses qu'elles soient, on peut toujours compter sur elles. Encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - J'ai appris que rien n'est plus utile à l'homme que l'homme, et que rien n'est meilleur pour l'homme que l'homme. Etrange! Mais encore, qu'as-tu appris à la guerre ? - Aussi que les plus grands maux viennent de l'homme, mais que la menace humaine, continuellement perçue pendant des mois, n'affaiblit nullement cette amitié universelle, mais au contraire, à ce que j'ai éprouvé, la fortifie. Ces choses ne vont pas ensemble. En ton abri, tu as eu le loisir de penser. Allons, sérieusement qu'as-tu appris à la guerre? - J'ai appris que la passion de gouverner est sans doute la source de tous les maux humains. Que le maître devient méchant par l'exercice du pouvoir absolu. Que la colère lui gâte l'estomac. Que les sentiments guerriers viennent de l'ambition, non de la haine. Que tout pouvoir aime la guerre, et qu'il faut réduire énergiquement les pouvoirs de toute espèce, quels que soient les inconvénients secondaires, si l'on veut la paix. » Alain, Mars ou la guerre jugée Lecture des textes : Anne Brissier, Georges Claisse