Les machines ont-elles un sexe ?

"Comment puis-je vous aider ?" dit Siri avec sa "creaky voice"
"Comment puis-je vous aider ?" dit Siri avec sa "creaky voice"  ©AFP - KAREN BLEIER AFP / ANNAPURNA PICTURES / COLLECTION CHRISTOPHEL
"Comment puis-je vous aider ?" dit Siri avec sa "creaky voice" ©AFP - KAREN BLEIER AFP / ANNAPURNA PICTURES / COLLECTION CHRISTOPHEL
"Comment puis-je vous aider ?" dit Siri avec sa "creaky voice" ©AFP - KAREN BLEIER AFP / ANNAPURNA PICTURES / COLLECTION CHRISTOPHEL
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Serge Tisseron s'entretient avec Justine Cassell, professeure de technologie linguistique et d’interaction Homme-Machine à la Carnegie Mellon University de Pittsburgh (Etats-Unis).

Avec
  • Justine Cassell linguiste

Linguiste de formation, Justine Cassell a commencé par étudier les aspects verbaux et non-verbaux de la communication humaine avant de consacrer ses recherches à la création de machines permettant d'interagir avec les humains, et en capacité d'intégrer gestes, intonation ou expression faciale. Aux Etats-Unis, elle conçoit et coordonne également des ateliers consacrés aux techniques de survie destinés au femmes dans le milieu universitaire, ou bien à ce que les jeunes filles attendent des jeux vidéo ! Elle est donc la bonne personne pour évoquer – notamment - la façon dont le choix des interfaces vocales données aux machines modifient l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes, des autres, et de l’autre sexe.

Sur le marché on trouve des agents conversationnels, des chatbot, qui ont une voix imaginée avec soin, par exemple Siri a la voix d’une adolescente, une qualité de voix un peu mignonne, sentimentale, qui évoque celle d’une jeune femme que l’on pourrait aimer. Il est intéressant de remarquer qu’Apple a choisi une voix de femme aux Etats-Unis mais une voix d’homme en Angleterre. Chaque choix que fait une société sur une voix ou une image est fait pour évoquer un stéréotype. Lorsque nous entendons une voix féminine nous nous disons peu c’est quelqu’un qui va vouloir m’aider, me materner. Je pense qu’il en va de notre responsabilité de lutter contre ces stéréotypes nocifs. Dans mes recherches, nous nous efforçons de créer un être virtuel, une image sur un écran qui est ambiguë, avec une voix tout aussi ambiguë. Et ce que nous découvrons c’est que les femmes pensent que c’est une femme et les hommes pensent que c’est un homme. C’est la même chose pour ce qui concerne l’ethnicité. Nous passons parfois jusqu’à six mois pour réussir à dessiner des êtres ambigus de ce point de vue-là. 

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#chatbot #Siri #creaky voice

Depuis 2000 que je crée des êtres virtuels, et contrairement à ce que craignent les parents, je n’ai jamais vu un enfant les confondre avec des êtres réels. Il faut attribuer aux enfants beaucoup plus de finesse que nous le faisons. Ils n’ont aucune difficulté à faire une place pour un être virtuel et sont capables de mettre de côté la réalité pendant une narration. Ils savent que leurs interactions avec une machine ne sont ni des interactions réelles ni des mensonges mais des espèces d’histoires ou de narration. Comme quand Melville commence Moby Dick par Je m’appelle Ishmaël…

#Moby Dick

Le choix musical de Justine Cassell est la chanson “When you say nothing at all” d'Alison Krauss.

L'équipe