

Comment dire notre besoin d’histoire ? Pour cette première semaine où l’histoire est donnée comme une matière à penser, on a voulu composer un ensemble de portraits de voix. Rencontre avec Éléonore Cellard, post-doctorante au Collège de France.
- Éléonore Cellard chercheure au Collège de France, spécialiste des manuscrits coraniques.
Nous faisons aujourd'hui le portrait d’une passion : celle d’une chercheuse pour un sujet d’histoire. Éléonore Cellard est une historienne de la transmission manuscrite du Coran et ce qui l’a amené à se consacrer à cette discipline exigeante et érudite est d’abord une émotion esthétique : celle de la calligraphie. A distance des exaspérations identitaires et des approximations hâtives, elle dit tranquillement son travail, sa patience, sa modestie. Mais elle dit aussi comment, par l’effet d’une découverte fracassante — celle d’un palimpseste ancien où un fragment de Coran recouvre des écritures bibliques — sa vie d’historienne fut, un temps, rattrapée par la frénésie médiatique.
Ça apparait tout à fait dans les pratiques scribales : les copistes chrétiens font exactement la même chose que les copistes musulmans. Des traditions nous rapportent que quelques décennies après la rédaction du coran, on emploie des copistes chrétiens pour copier le texte coranique. Donc, il n’y a pas de clivage entre les communautés. (...) Je pense que pour comprendre cette histoire, comprendre que l’identité arabe et l’identité islamique se sont construites grâce à tous ces contacts, à travers différentes communautés, il faut comprendre que c’est justement la clé pour savoir comment se comporter dans la société. (Éléonore Cellard)
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Je cherchais une image d’un palimpseste qui avait été vendu à Christie’s il y a dix ans exactement. (…) Plusieurs de ses folios sont déjà passés en vente aux enchères. Il me manquait une de ces images ; en cherchant (…) sur internet, j’ai pu accéder à la vente d’art islamique de Christie’s. (…) Je vois un Coran dans une écriture que je connais, que je connais même très bien, puisque c’était l’écriture sur laquelle j’ai travaillé au cours de ma thèse. (…) J’ouvre les images, je les agrandis, et là, je découvre un palimpseste. J’étais à la recherche d’un palimpseste et j’en découvre un autre. (Ce coran est écrit) Sur un autre texte qui a été effacé mais dont la trace est encore visible (...). A partir de ces images haute définition, j’ai pu faire un travail pour essayer de faire ressortir la couche d’écriture effacée. (…) D’après ce que nous avons déchiffré, (…) ce texte était probablement biblique. (Éléonore Cellard)

Extrait musical choisi par l'invitée : "Mazurka in ut dièse mineur (C-Sharp minor), opus 63 no. 3" de Chopin
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