Il existe aujourd’hui une nouvelle historiographie de la guerre. Quittant la vision surplombante du stratège, elle fait récit de la dispersion des témoignages et des points de vue, et croise donc nécessairement la question de l’écriture. Ce soir avec Laurence Bertrand Dorléac, historienne de l'art.
- Laurence Bertrand Dorléac Historienne de l’art, chercheure au Centre d’histoire de Sciences Po et professeure d’histoire de l’art à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.
« Heureusement que la guerre est si terrible, autrement nous finirions par trop l’aimer » déclarait le général Lee. Et si nous n’aimons plus la guerre, est-ce à l’art de faire la guerre à la guerre ? De L’Art de la défaite, 1940-1944 (Seuil, 1993) à Après la guerre (Gallimard, 2010), Laurence Bertrand-Dorléac n’a pas cessé de s’interroger sur les représentations des Désastres de la guerre, pour reprendre le titre de l’exposition qu’elle organisa au Louvre-Lens en 2014. C’est donc aussi à une leçon de méthode qu’elle nous convie. Comment faire d’une exposition un récit d’espaces ? Comment l’organiser d’une telle manière qu’on prend le parti de Monet contre Spengler et que l’on écrit à Contre-déclin ?
Je prête aux images vraiment beaucoup de puissance, (…) elles me font assez peur. C’est un peu comme la musique, elles entrent directement en nous. Les textes, c’est différent. L’image est quelque chose qui vous prend et l’on a toujours un peu peur des émotions, des affects. (Laurence Bertrand Dorléac)
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Depuis 1800 s’imposent des représentations négatives de la guerre. Ça n’était pas le cas auparavant, il y avait quelques ovnis, (…), mais depuis l’Antiquité, la guerre était représentée de façon héroïque. A partir de Goya et Géricault, il y a un basculement, provoqué certainement par la violence des guerres napoléoniennes et le mouvement de la pensée contemporaine, par les œuvres de Benjamin Constant par exemple. On apprécie de plus en plus les dégâts de la guerre plutôt que les avantages. (Laurence Bertrand Dorléac)
Monet ne croit pas à son triomphe à venir, parce que chaque fois qu’il se met à peindre, chaque jour, il a l’impression de ne plus savoir peindre. C’est ça le problème. Et il veut garder les fameux nymphéas, tous, alors qu’il a promis à Clémenceau de donner toutes ces œuvres à la fin de la guerre. Il ne veut pas les donner parce que c’est son diapason, il ne sait jamais si le prochain nymphéa sera le meilleur. (…) C’est comme ce que dit Péguy, dans Clio : au fond, le vrai créateur ne capitalise jamais. (Laurence Bertrand Dorléac)
Extrait musical choisi par l'invitée : "Le déserteur" par Boris Vian.
Entre-Temps est une revue numérique d'histoire actuelle, collective, collaborative et gratuite, attachée à la chaire de Patrick Boucheron au Collège de France.
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