Le vivant, ce ne sont pas seulement les faits, nos corps, la biologie. Ce sont aussi, peut-être d’abord, des expériences, subjectives, vitales, parfois mortelles, qu’il faut entendre, méditer, qui passent par la parole et la pensée. On en parle ce soir avec Valérie Zenatti, écrivaine et traductrice.
- Valérie Zenatti Autrice, traductrice - interprète et scénariste pour le cinéma
La vie d’Aharon Appelfeld : que veut dire cette expression ? Les événements vécus par lui : sa naissance en 1932, les épreuves terribles de la guerre, sa découverte d’une autre langue où il écrivit son oeuvre, sa mort il y a un an ? Oui, bien sûr. Mais que veut dire ici « vécu par lui », que veut dire vivre tout cela ?
La vie, c’est aussi celui qui la vit et qui ainsi l’ouvre sur tous les autres. Secret de cette oeuvre si profondément claire. Valérie Zenatti inscrit Aharon Appelfeld Dans le faisceau des vivants, elle reprend dans ce livre le flambeau ou le fil, la lumière et le lien. Son livre reprend dans son écriture et sa vie à elle ce qu’elle lisait et traduisait dans sa vie et son écriture à lui. Elle nous éclaire ainsi sur leurs deux vies et sur les nôtres, ce qui nous permet de vivre nos vies.
Valérie Zenatti est écrivaine, scénariste et traductrice. Elle a, à ce jour, traduit onze romans d'Aharon Appelfeld.
Je pense qu’il y a dans Histoire d’une vie d’Aharon Appelfeld ce qui était figé dans la mémoire, et il y a la vie insufflée par le récit et par la langue même qui a permis de raconter cette histoire-là.
Quand on rencontrait Appelfeld, on avait conscience qu’on voyait quelqu’un qui était si profondément relié à sa propre vie qu’il offrait un miroir d’une clarté et d’une sensibilité absolue. Et toute personne qui le rencontrait avait aussi l’impression de se rencontrer elle-même.
En des dizaines d’années, je ne l’ai jamais vu distrait ou inattentif.
Il avait conscience que la vie, si on ne cherche pas à lui trouver au moins un sens, c’est un chaos. Aharon Appelfeld cherchait à remettre de l’ordre là où il n’y en avait pas.
Après la mort d'Aharon Appelfeld, j’entendais constamment sa voix en moi. Un jour quelqu’un m’a dit « c’est normal : quand on est la voix de quelqu’un dans une langue, c’est normal de l’entendre ». Quand je ne l’entendais pas résonner, j’allais la chercher. J’avais l’impression que je devais écouter ce qui se passait en moi. Comment sa disparition résonnait et qu’est-ce qu’elle convoquait de l’ébranlement magnifique qu’avait été la rencontre avec lui ?
Je crois que la nécessité d’écrire et de créer vient précisément du fait que les deux moments de nos vies – l’entrée et la sortie – nous échappe. On n’est jamais là au début – on ne s’en souvient pas, on n’est pas vraiment là à la fin. Et cette absence de début et de fin fait qu’on a besoin de créer pour qu’il y ait un cadre, même fictif.
► Extrait musical choisi par l'invitée : Liebkeit, par Les Yeux Noirs, traduction en yiddish de La tendresse de Bourvil.
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