

Comment dire notre besoin d’histoire ? Pour cette première semaine où l’histoire est donnée comme une matière à penser, on a voulu composer un ensemble de portraits de voix. Rencontre avec le romancier Gauz.
- Gauz Ecrivain
Je caressais peu à peu le rêve d’aller noircir un des grands blancs de la carte d’Afrique » écrivait à la fin du XIXe siècle, Louis-Gustave Binger, explorateur de l’Afrique de l’Ouest et administrateur colonial de la Côte d’Ivoire. Dans son dernier livre, Camarade Papa, Gauz écrit le roman de la colonisation, d’une manière à la fois enjouée et grave. Il écrit à hauteur d’enfant, entre hier et aujourd’hui, et sur une ligne de crête où il est tout à la fois le colonisé et le colonisateur d’hier, et le décolonisé d’aujourd’hui. Le besoin d’histoire, pour lui, est inscrit dans l’étymologie même de la ville de Grand Bassam : « aide moi à charger mon bagage ».
Le voyage de cet homme-là me donne le sentiment que je peux être à sa place. C’est pour ça que je me donne le droit de devenir un homme blanc du XVIIIe siècle, parce qu‘au fond, je suis le fruit de cette culture-là. Et je pense que c’est un joli boomerang dans leur visage que ce soit moi qui puisse écrire cette histoire, en tous cas tout au moins l’imaginer, pour la jeter à leurs yeux et à ceux de leurs descendants. Je suis le colonisé, le décolonisateur et le colonisateur ; je joue tous les rôles. Je peux me permettre ce mouvement-là parce que j’assume cette histoire-là. Gauz
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- Gauz, à propos du Tchep, plat traditionnel :
C'est un plat colonial : le riz du tchep vient d’Asie, de Thaïlande, et du Vietnam (l’Indochine française). Le riz africain a été dévaluée à partir du moment où est venue cette espèce de brisure de riz par les paquebots français. La carotte, le chou, la tomate… tout ça est colonial ! Le plus dur, c’est l’huile, l’huile d’arachide : elle est totalement imposée par la colonisation. Ce qui est génial, c’est qu'aujourd'hui, on revendique le tchep comme quelque chose de typiquement africain, mais il faut savoir qu’on n’est pas fabriqués, nous, africains, pour manger aussi riche (avec l'excès d'huile)...
L’histoire coloniale ne ment pas, les faits historiques sont là, ils sont recoupés par des historiens (…). Ce qui est intéressant quand on lit des rapports coloniaux, c’est qu’on a l’impression qu'ils ne sont pas rédigés par des hommes, mais plutôt par des robots. Et on oublie la dimension humaine. C’est ça que peut la littérature. C’est le rôle historique de l’écrivain que de remettre en perspective les choses qui ne sont pas dites, au travers de la fiction. Gauz
Extrait musical choisi par l'invité : "Anouanzé" par Larim Koita & Kajeem - Album : "Abidja'Taam : le goût d'Abidjan" (2009).
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