

Les conflits de mémoire autour des victimes de la Guerre Civile espagnole ou du transfert du corps de Franco nous montrent l'importance grandissante accordée aux restes humains. Nous en parlons ce soir avec Sophie Baby, maîtresse de conférence en histoire contemporaine à l'université de Bourgogne.
Sophie Baby (Maîtresse de conférence en histoire contemporaine à l'université de Bourgogne, spécialiste des enjeux de mémoire en Espagne, de l’espace ibéro-américain aux XXème et XXIème siècles et des violences politiques dans nos sociétés contemporaines.).
L’Espagne contemporaine compte encore 100 000 disparus et 3 000 fosses communes. On imagine aisément les enjeux mémoriels et politiques cruciaux soulevés par les restes humains, ainsi que par le corps du dictateur lui-même – le général Franco – dont l’exhumation, qui a soulevé une grande émotion. Une indignation qui n’est pas étrangère à la progression de Vox, le nouveau parti d’extrême-droite.
Nous en parlons ce soir avec Sophie Baby, maîtresse de conférence en histoire contemporaine à l'université de Bourgogne, membre junior de l’Institut universitaire de France et spécialiste des enjeux de mémoire en Espagne.
Cette guerre est le résultat d’un coup d’état mené par des généraux, et conçu comme une croisade contre l’anti-Espagne, contre les « rouges » qu’il s’agit d’éradiquer physiquement, ou de rééduquer pour une société nouvelle, nationale et catholique.
Les familles partent à la recherche de leurs proches disparus. Il y a une relation intime et émotionnelle avec la recherche des corps. Le corps devient lieu de vérité, tableau et récit en lui-même qu’il faut faire parler. C’est là que la science intervient pour orienter le récit.
Le mouvement de mémoire commence par une exhumation, celle de l’an 2000, mené par Emilio Silva qui part en quête des restes de son grand-père disparu, un républicain fusillé. Il va médiatiser cette action et crée par la suite une association pour la récupération de la mémoire historique […]. Il s’agit de retrouver une vérité, une histoire et une parole, notamment à travers les corps.
Les bébés volés en Espagne ont été retiré à des mères dans des situations précaires lors de l’accouchement. On leur faisait croire que leur bébé était mort ou on les obligeait à les confier à un orphelinat. Ce processus a été institutionnalisé dans certains hôpitaux et a donné lieu à un véritable marché économique.

>>> Extrait musical choisi par l'invitée : "Desaparecido" de Manu Chao
>>> Pour en savoir plus sur les travaux de Sophie Baby :
- Condamner le passé ? Mémoires des passés autoritaires en Europe et en Amérique latine, livre de Sophie Baby téléchargeable gratuitement sur l’Apple Store, à destination des enseignants du secondaire, des étudiants et du grand public.
- Le mythe de la transition pacifique. Violence et politique en Espagne (1975-1982), livre de Sophie Baby que l’on peut lire en open access.
- Un numéro spécial de la revue Les Cahiers Sirice 2017/2 (N° 19), intitulé « Trace matérielles de la mort de masse : l’objet exhumé ».
>>> Pour en savoir plus sur :
- La Loi sur la mémoire historique
- La Phalange espagnole, organisation politique espagnole fasciste
- Le Bouton de Nacre (Patricio Guzmán, 2015)
1ère diffusion le mercredi 20 novembre 2019.
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