A l'occasion de la parution de son livre "Je remballe ma bibliothèque. Une élégie et quelques digressions" (ed: Actes Sud), l'auteur nous parle d'une bibliothèque physique et imaginaire, de la recherche de sens donné à l'univers , de l'importance de l'éducation et de la nécessité de changer de vie.
- Alberto Manguel Écrivain, directeur artistique du festival Atlantide
Le penseur de la lecture s’engage ici dans un voyage émotionnel qui parcourt son existence et son histoire, revisite les pays qu’il a connus et évoque ses nombreux déménagements, lesquels furent toujours liés à la recherche d’un endroit où enfin héberger ses livres, sans lesquels il lui est impossible de travailler… et sans doute même de vivre.
J’éprouve en profondeur le paradoxe de savoir que nous allons tout perdre et de ressentir que nous n’acceptons pas cette perte, nous ne nous y résignons pas et dans mon cas, il s’agissait de la perte de ma bibliothèque. Je croyais que cette bibliothèque qui occupait un espace suffisamment grand pour tous mes livres serait ma dernière bibliothèque, que je mourrai là, et j’étais très content de savoir que j’étais arrivé au dernier chapitre. Or comme tout lecteur le sait, le dernier chapitre n’est jamais le dernier.
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Ma bibliothèque, cet endroit que j’aimais tant, qui était l’incarnation de moi-même, a disparu. A partir de ce moment-là, s’est formée sans ma tête une nouvelle bibliothèque aléatoire, faite des fantômes de mes livres.
Les livres sont les vraies présences du monde. A chaque moment de ma vie, quand il se passe quelque chose, les livres sont là comme une présence perchée sur mon épaule me disant : je te donne cette façon de nommer ce qui t’arrive, pour t’aider à mieux comprendre.
A chaque fois que nous prenons un livre, nous ne le prenons jamais pour la première fois. Il y a des lectures qui nous précèdent, colorent notre lecture première, nous ne rentrons jamais deux fois dans le même livre.
L’être humain éprouve la nécessité de donner un sens à l’univers, or nous savons que l’univers n’a pas le sens que nous pouvons comprendre. Nous, avons un certain sens du temps, de l’espace qui n’est pas celui de l’univers, et nous voulons à travers ces deux sens, donner un sens logique à tout ce qui nous entoure, et le symbole de ça, c’est la bibliothèque.
S’il y a de l’espoir, il doit venir de l’éducation, de l’imagination, du pouvoir de concevoir un monde meilleur. Aujourd’hui, que reste-il de la possibilité d’une démocratie au sens moderne ? Il y a une façon de penser empoisonnée et qui empoisonne. Nous sommes dans ce climat empoisonné qui ne croit pas à la vérité, ni des sciences, ni des arts, qui ignore les avertissements que les scientifiques nous ont fait de changer notre vie si nous voulons continuer à avoir une vie, il faut changer ou nous suicider. J’ai le sentiment que nous allons vers un suicide collectif.
Lecture
Edna Saint-Vincent Millay, Dirge without music in Collected poems, (HarperCollins, 1958)
Archives
Jorge Borgès, émission « Entretiens avec », France Culture, 1965
Pascal Quignard, émission « Hors champs », France Culture, 2012
Louis Bothorel, émission « Agora », France Culture, 1981
Références musicales
Mercedes Sosa, Gracias a la vida
Vincent Courtois, Done on done
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