Alice Laloy : "La poésie de mon travail sert à éveiller les peurs et les fantasmes"

C’est à une étrange cérémonie que le spectacle dont nous parlons ce soir nous propose d’assister. Placé chacun sur un établi, dix jeunes enfants sont endormis, manipulés, maquillés, coiffés et cousus par dix étudiants en blouse grise, dans un espace vide qui figure comme un atelier, le tout sous la cadence de deux maîtres d’œuvres percussionnistes. De vivants, les enfants deviennent inertes, jusqu’à incarner sur scène, dans une illusion parfaite, des pantins désarticulés, qui peu à peu reprendront vie, jusqu’à danser, dans un mouvement exactement inverse à celui que nous contait Carlo Collodi dans Les aventures de Pinocchio. Mille images se bousculent dans l’esprit du spectateur qui se trouve tout à tour troublé, secoué, attendri, dérangé et pour finir absolument bouleversé. Un spectacle à la croisée de la danse, de la performance et du théâtre, qui évoque le sort des enfants d’hier et d’aujourd’hui, semble chuchoter à notre inconscient, mais jamais ne se réduit à un propos, exigeant simplement de nous de nous rendre attentif à sa beauté, et à son mystère. 

Le spectacle Pinocchio(live) #2 est issu d'un travail de recherche photographique mené par Alice Laloy entre 2014 et 2018 intitulé Pinocchio(s) et visible au CCAM / scène nationale de Vendoeuvre-lès-Nancy du 9 novembre au 17 décembre 2021. Quant au spectacle en lui -même, il est présenté au CDN Grand Est Alsace du 12 au 13 novembre 2021, puis en tournée dans toute la France jusqu’en avril 2022. Retrouver toutes les informations ICI. 

Extraits de l'entretien

Pinocchio(live), c’est un long processus de création qui a débuté en 2014, avec une première photo, que je devais faire pour un magazine spécialisé dans les arts de la marionnette. Dans mon travail, il y a toujours la relation à la manipulation, à l’objet inanimé. J’ai rarement travaillé sur le thème des marionnettes, mais là, j’ai eu envie de m’atteler au mythe de Pinocchio. Dans ce mythe, je me suis concentrée sur un instant très court et précis, celui de la transformation du pantin en enfant : de ce moment-là, j’ai eu envie d’en faire une image. Pour faire cette image, j’ai dû remonter le temps, et puisque je ne pouvais pas fabriquer un pantin qui allait devenir un humain, j’ai décidé d’inverser les rôles et de faire d’un enfant, une marionnette. Alice Laloy, metteuse en scène

Je suis tombée sur les marionnettes un peu par hasard, mais dès les premiers projets que j’ai imaginés, que ce soit au niveau de l’espace ou des costumes, j’étais déjà très proche d’espaces en mouvement, qui se métamorphosaient, et non d’une scénographie immobile. Dans mon travail, j’ai toujours pensé la scénographie et les objets en scène comme pouvant porter, eux-aussi, du mouvement, de l’action, et donc des métamorphoses. En arriver à la marionnette était assez logique, même si, je ne m’explique pas tout. D’ailleurs, je ne cherche pas à tout comprendre, et je pense qu’il est important que subsiste une part de zone floue. Alice Laloy, metteuse en scène

Archives

Renaud Herbin, émission Une saison au théâtre, Joëlle Gayot, France Culture, 10/09/2017

Céline Sciamma, émission La grande Table, Olivia Gesbert, France Culture, 02/06/2021

Musique de fin

Fujimoto Yuichiro, Old bird tape