Antonio Lobo Antunes : "Un bon écrivain, c'est celui qui donne un ordre au délire"

Antonio Lobo Antunes
Antonio Lobo Antunes - @Pedro Loureiro
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A l'occasion de la parution de son dernier roman "Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau" aux éditions Bourgois, dont il ne sera pas question au cours de l'entretien, l'écrivain évoque ses souvenirs d'enfance, le risque de l'écriture, et son rapport tyrannique au livre.

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L’auteur dresse le récit d’un sous-lieutenant qui, traumatisé par la guerre d'indépendance de l'Angola, rentre au pays avec un jeune orphelin qu'il a recueilli après la destruction de son village et le massacre des siens par l'armée portugaise, s'en occupant comme de son propre fils. Quarante ans plus tard, la famille se réunit pour célébrer la fête du tue-cochon, mais les retrouvailles tournent au drame.

Ecrire c’est beaucoup de choses, c’est comme un délire contrôlé, qu’il faut organiser d’une façon un peu rationnelle pour que le lecteur puisse entendre et vivre la même chose que vous. Qu’est-ce qu’on essaie de faire avec un livre, quel but poursuit-on ? La plupart du temps on ne pense pas au public, sinon on commence à se perdre, à essayer de séduire le lecteur et c’est une des pire choses qu’un écrivain puisse faire. En général, les hommes sont trop vulgaires quand ils essaient de séduire. La seule façon de communiquer, c’est d’être fidèle et sincère envers vous-même, et être fidèle c’est très difficile. Je n’apporte aucune vérité, tout ce que je fais c’est écrire des livres.

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Traduire, être fidèle à un texte, c’est un travail presque impossible. C’est une sorte de photo en noir et blanc, et il y a beaucoup de choses qui se perdent.

Je n’ai pas lu ce livre, Je ne lis jamais ce qui concerne mon travail ou moi-même. Si je l’ai publié c’est que j’en avais assez, je voulais m’en débarrasser. Un livre est fini quand vous sentez qu’il en a assez de vous et que vous en avez assez de lui, comme pour un mariage. Le livre vous habite tout le temps même si vous pensez à autre chose, et parfois il est tyrannique, mais dans l’amour tout le monde l’est. 

Le livre arrive quand vous sentez que la couleur de l’air a changé, comme quand on tombe amoureux, et le monde commence à s’organiser d’une autre façon, qui n’a rien à voir avec la logique. On ne peut pas rationaliser la logique des émotions, on peut juste essayer de les décrire et d’en faire un livre. 

Référence musicale

Vincent Segal et Ballaké Sissoko, Future
 

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