Chloé Delaume : "Avec ce livre, j'avais plus de choses à dire qu'à raconter"

Chloé Delaume
Chloé Delaume - @Hermance Triay
Chloé Delaume - @Hermance Triay
Chloé Delaume - @Hermance Triay
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A l’occasion de la parution de son livre "Mes bien chères sœurs" aux éditions du Seuil, l'autrice évoque dans son autofiction sans filtre, une société où certaines statistiques piquent les yeux, la sororité comme régime politique, et sa volonté de s'inscrire dans le matrimoine littéraire.

Avec

Dans ce court texte incisif qui prône la sororité comme outil de puissance virale, Chloé Delaume aborde la question du renouvellement du féminisme, de l’extinction en cours du patriarcat, de ce qu’il se passe, et peut se passer, depuis le mouvement #metoo.

Ce livre est un appel, plus qu’un essai, c’est une sorte de livraison d’un intime qui essaie de réfléchir à ce que c’est qu’être féministe aujourd’hui. J’appartiens à une génération où la construction de la femme n’était pas si simple. La construction de l’identité est faite de plein de facettes et surtout d’expériences. J’ai écrit une trentaine de livres et j’avais besoin de faire le point sur l’endroit d’où je parle,  sur ce que je suis devenue et par où je suis passée. 

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Au début, je voulais écrire une pièce de théâtre car je voulais parler aux gens clairement, et comme je m’emberlificotais dans la préparation de cette pièce, au bout d’un moment je me suis dit : on arrête les machineries, les expérimentations, les systèmes et les complications stylistiques et on va à l’essentiel c’est-à-dire, juste parler, ce qui est un peu nouveau pour moi.  Je voulais montrer à quel point le performatif est effectif chez moi, je suis vraiment devenue celle que je voulais, indépendamment du déterminisme social, des traumas pas toujours évidents à gérer et de ma bipolarité. C’est une conquête de territoire corporel finalement.

J’aime assez l’idée d’assister à une époque historique, c’est un mouvement un peu irrémédiable, la force fait quand même plier, il y a une volonté de masse, quelque chose de l’ordre de la révolution des mœurs, et il n’y a que comme ça que ça peut se passer. Les lois ne pourront pas empêcher les violences conjugales, c’est par les mœurs qu’il faut que ça passe. Avant de punir, il faut qu’on arrive à neutraliser le phénomène. 

Ce qui est intéressant c’est de voir la réception du mot « féministe » à travers les âges, et on ne s’en sort toujours pas, il y a encore du mépris ou du dédain dans le terme de « féministe ». C’est pour ça qu’il faut qu’on s’en réempare, qu’on en refasse une force vive et un mot qui porte la révolution. Il faut que le « nous » soit constitué, c’est en ayant un « nous » fort que ça peut marcher, c’est pour ça qu’il faut de la solidarité et de la sororité. 

Archives

Simone de Beauvoir, émission « Actualité du livre », RTF, 1949

Anne Ernaux, émission « La grande table », France Culture, 2018

Extrait

Scum manifesto, film de Carole Roussopoulos, 1976. Delphine Seyrig lit le texte de Valérie Solanas.

Références musicales

Sarah Lenka, Ain't gonna let nobody turn me around
Stefflon Don, 16 shots

Prise de son

Alain Joubert

L'équipe