Hélène Giannecchini : "Ce roman est étymologiquement une longue autopsie"

Hélène Giannecchini
Hélène Giannecchini  - Astrid di Crollalanza
Hélène Giannecchini - Astrid di Crollalanza
Hélène Giannecchini - Astrid di Crollalanza
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"Voir de ses propres yeux" le premier roman d'Hélène Giannecchini paraît aux éditions du Seuil.Par le biais d'images en sous-texte, et de l'histoire de la médecine, l'auteure réussit à penser l'impensable, à savoir le corps mort des êtres aimés, et trouve une autre langue pour parler du deuil.

Avec
  • Hélène Giannecchini Historienne de la photographie et écrivaine

Ecrivaine et critique, Hélène Giannecchini est également docteure en littérature et enseigne la théorie de l’art contemporain et la création littéraire à l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image de Poitiers-Angoulême (EESI)

Dans son premier roman, l'auteure met en scène une femme qui a recours à l'histoire de l'art et des sciences, pour réaffirmer son lien avec ses défunts qui, peu à peu, tombent dans l'oubli. Voir de ses propres yeux est un récit qui explore les possibles de la mort, son extraordinaire pouvoir d’invention et ses liens étroits avec l’image.

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Extraits de l'entretien

C'était une évidence que je devais écrire ce texte à la première personne. La narratrice du roman devait donner quelque chose de son expérience, tandis qu'elle la vivait avec toutes ses nuances. La grande question a été de savoir comment parler aux autres qui peuplent ce texte ? Comment introduire une adresse ? Puisque le livre est aussi parcouru par un "tu" –"tu es mort", "tu es mort couché derrière"- il fallait un "je", pour que ça soit en regard, en face à face. 

J'ai fait coïncider quelque chose des morts de la narratrice, avec les morts en général. Ça me semblait important, car je n'ai pas voulu faire un récit de deuil qui soit trop adressé. Je voulais parler à des morts, à mes morts, et à la mort en général. Pour cela, j'ai eu besoin de la distance du savoir qui permet de penser.

Je suis spécialiste du rapport entre textes et images, et j'écris depuis les images : certaines sont immédiatement liées au sujet, d'autres plus personnelles. Je les affiche et j'ai besoin de leur présence de vivre avec, et de les regarder très régulièrement, ou de ne presque plus les voir. A ce moment-là, j'arrive vraiment à écrire : l'écriture vient des images, elles sont comme une architecture secrète, et forment le squelette du livre.

L'idée de ce livre est de réussir penser l'impensable, à savoir le corps mort des gens qu'on aime : l'histoire de la médecine, les gravures d'anatomie permettent ça. Cela permet une forme de distance, un pas de côté qui est nécessaire pour être au plus proche de l'objet qu'on cherche. J'avais besoin de sortir de la violence de certaines émotions, et je me suis demandé comment retrouver une justesse pour parler des sensations et des moments vécus lors du deuil ?

Archives

Olivia de Lamberterie, émission "Par les temps qui courent", France Culture, 2018

Céline Huygaert, émission "Par les temps qui courent", France Culture, 2019

Marie-José Mondzain, émission "L'éloge du savoir", France Culture, 2004

Jean Piétri, émission "Surpris par la nuit", France Culture, 2002

Références musicales

Laurie Anderson, The water rises

Babx, Omaya

Robert Wyatt, Silence and no answer

Michelle Mercure, A little piece

Prise de son

Jean-Michel Bernot

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