Rencontre avec le cinéaste britannique d’origine polonaise pour son documentaire "Ukraine-Pologne la frontière de la solidarité" à voir sur arte.tv à partir du 24 mai 2022.
Depuis le début de l’invasion russe, la Pologne a accueilli plusieurs millions d’Ukrainiens fuyant la guerre. Dans la région de Lublin, le réalisateur Lech Kowalski a rencontré des habitants vivant près de la frontière ukrainienne qui accueillent nombre de familles fuyant le conflit. Au fil de ses rencontres, le réalisateur a tenté de cerner la complexité de cette région sensible, bouleversée par les répercussions de conflits qui se répètent et la peur d’une Troisième Guerre mondiale.
La solidarité malgré une histoire commune difficile
"J’ai grandi avec les récits de la guerre dans cette région et je voulais voir de mes propres yeux ce qui était en train de se passer. Les principaux média couvrent cette guerre de façon médiocre et très partielle. Mes films sont personnels, ils sont une sorte d’exploration de ma vie, et alors que je vieillis, je me trouve confronté à quelque chose avec laquelle j’ai grandi, à savoir, que la Pologne, une fois de plus, est engagée dans des troubles qui ont à voir avec la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie et est toujours mêlée à cette histoire explosive. C’est quelque chose que je ne m’attendais pas à voir de mon vivant. Alors, j’ai eu besoin de voir pourquoi et comment cela se passait, pourquoi les Polonais, spontanément, avait réagi en quelques heures pour aider les Ukrainiens qui arrivaient chez eux. Cela m’a énormément ému, parce que, ces gens qui vivent à la frontière, sont des gens très simples, et ils ont montré une solidarité spontanée, presque instinctive : c’est vraiment une expérience de l’humanité." Lech Kowalski
Les influences de la brutalité de l’histoire
"Mes parents ont émigré aux Etats-Unis, parce qu’ils avaient peur de rentrer en Pologne, peur de l’URSS, et peur du passé nazi. Mais, ils n’avaient pas droit au chapitre, personne ne voulaient entendre les événements horribles qu’ils avaient traversés, parce que ça rendait les gens très mal à l’aise. Alors, ils se sont uniquement exprimés à l’intérieur du cercle familial, à savoir leurs trois enfants. Nous étions séparés de la réalité américaine et nous vivions dans notre propre monde. Ma mère a failli être hospitalisée en hôpital psychiatrique, parce qu’il lui était très difficile de vivre normalement, sa normalité lui avait été volée à l’âge de17 ans. Il en était de même pour mon père. Mes parents ont été brutalisés par l’histoire, et cette brutalité s’est infiltrée en moi, elle a influencé ma vie et le type de films que je voulais faire." Lech Kowalski
Filmer le réel pour révéler les émotions
"Je suis très à l’aise avec les gens qui sont à la marge, ils sont une fenêtre sur la réalité du monde. Quand je travaille, je cherche l’immersion avec ce qui se trouve autour de moi, c’est ce que j’essaie de filmer, et mon objectif, ce sont les spectateurs. J’ai envie d’embarquer les spectateurs dans un voyage émotionnel, à travers ce que j’ai vécu. C’est ce parcours qui m’a conduit, tout au long de ma vie, à aller rencontrer des gens qui sont à l’extérieur de la société, parce que c’est là que je me sens à l’aise. Pour moi, la caméra dicte la structure du récit, et la manière dont il évolue. C’est comme ça que je filme, et tout le processus de tournage est une forme de chorégraphie avec la réalité." Lech Kowalski
Traduction
Marguerite Capelle
Archives
Jonas Mekas, émission Par les temps qui courent, Marie Richeux, France Culture, 29/01/2018
Nicolas Werth, émission Concordance des temps, Jean-Noël Jeannenet, France Culture, 08/02/2014
Lecture
Andryi Portnov, Les massacres de Volynie, article extrait de Histoire partagée, mémoires divisées (Editions Antipodes)
Extrait
Rock soup, film de Lech Kowalski
Références musicales
Terry Riley, Delay
L'équipe
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