

L’auteure d’ "Une partie rouge" et "Des argonautes" revient avec "Bleuets", un livre dans lequel elle mêle récit autobiographique et théorie critique. L’occasion de parler de ses sujets de prédilection que sont le deuil, le sentiment amoureux, ou la vieillesse et d’évoquer son amour pour le bleu.
Maggie Nelson (Poètesse, essayiste).
Née en 1973, Maggie Nelson est une essayiste et poétesse américaine, auteure d’ouvrages dans lesquels elle se soustrait aux genres littéraires établis. Son nouveau livre Bleuets ne déroge pas à la règle mêlant essai, récit et poésie, dans la lignée des Pensées de Pascal qu'elle cite en exergue. Composé de deux cents quarante fragments, elle a voulu que son livre soit "un mélange poétique d’histoires ", les chiffres étant un moyen de donner du rythme au récit, comme elle nous l’explique :
"Ça m’a pris un certain temps de comprendre que mon livre serait un récit qui allait évoluer au fur à mesure du temps. Ça pouvait commencer comme un collage, mais finalement les chiffres sont entrés en jeu. (…). J’avais un sentiment un peu mathématique par rapport au livre, j’ai écrit un certain nombre de thèmes comme la mort, la couleur, le sexe l’alcool, la perception, la divinité etc… il fallait que ces thèmes interviennent à certains intervalles et donc, il fallait qu’il y ait un certain rythme qui permette au livre d’avancer."
Ce livre est une ode à la couleur bleue, mais pourquoi cette couleur ?
"Chaque couleur a une histoire. Je collectionnais beaucoup de choses bleues, et je me suis mise à écrire l’histoire de ces choses bleues. Derrière tout ça, il y avait de la joie mais aussi de la tristesse. Je voulais que le livre parle de la beauté et du plaisir. Auparavant, j’avais écrit deux livres qui parlaient de la violence, des livres très sombres, et je me suis dit que ce livre-là serait comme un antidote, même s’il est, lui aussi, un peu sombre. "
En savoir plus : Le bleu, histoire d'un paradoxe
Dans Bleuets , Maggie Nelson traite également de questions philosophiques telles que celle de la beauté, ou de l’introspection, et convoque des philosophes dont Wittgenstein :
"Ce livre est un hommage à la philosophie de Wittgenstein. Il s’agit d’une philosophie emplie de questions qu’il a fait passer par le prisme du corps. Wittgenstein dit que « la philosophie laisse tout en l’état et qu’elle ne change rien » : j’ai fait une expérimentation et j’ai remplacé le mot philosophie par baise. (...) En écrivant ce livre une question me taraudait : en cas de dépression ou de traumatisme, quelle est la valeur d’une expérience extatique ? La beauté peut-elle nous sauver ? Je pense que rien ne peut nous sauver, mais qu’il s’agit d’être attentif à ce qui existe : la curiosité est quelque chose qui nous aide."
Enfin, pour Maggie Nelson l’écriture n’est pas une catharsis, quoi que :
"Quand j’écrivais ce livre et que j’étais très malheureuse, je me suis rendu compte que l’écriture ne changeait rien, mais qu’elle permettait de tuer le temps. Parfois j’écris contre l’idée de l’écriture en tant que catharsis, mais une fois que le livre est paru, je vois beaucoup plus clairement ce que l’écriture du livre m’a apporté. En écrivant, j’épuise le sujet, et par le biais de cet épuisement naît une curiosité pour un nouveau sujet, alors je peux passer à autre chose."
À lire : Les Fragments de Barthes : du cœur, à l'ouvrage
Archives
Roland Barthes, émission « Le concert égoïste », France Musique, 1978
Catherine Breillat, émission « Surpris par la nuit », France Culture, 1999
Raymond Federman, émission « A voix nue », France Culture, 2005
Références musicales
Leonard Cohen, Famous blue raincoat
Billie Holiday, Lady sings the blues
Koop, Koop Island Blues
Prise de son
Stéphane Desmons
Traduction
Ina Kang
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