
La metteuse en scène nous plonge dans l'univers de la romancière Jane Bowles : sa capacité à absorber des sensations, ses personnage au bord de l'abîme, leurs tiraillements intérieurs et leurs contradictions, mais aussi la part immuable d'enfance et des femmes en lutte avec leur rapport au monde.
Marie Rémond (metteuse en scène).
Le spectacle "Cataract Valley" se joue au théâtre de l’Odéon à Paris jusqu’au 15 juin.
Il s’agit de l’adaptation de Marie Rémond et Thomas Quillardet de la nouvelle de Jane Bowles, Camp Cataract extraite de Plaisirs Paisibles (Christian Bourgois, 2011).
Camp Cataract retrace l’histoire de deux sœurs, Harriet et Sadie, incapables de s’acclimater au monde qu’on leur propose. La complexité, l’intériorité, et l’humour des personnages imaginés par Jane Bowles, la schizophrénie de Sadie, donnent la possibilité d’explorer un paysage fantasque à l’extérieur et à l’intérieur des personnages. D’autre part, l’environnement de Camp Cataract fait écho au bouillonnement intérieur des personnages. Ce lieu cristallise le refuge où se retrouvent les personnalités inadaptées au monde social et à ce qu’on attend d’elles.

J’ai découvert ces "Nouvelles" de Jane Bowles, et j’ai été frappée par la singularité de l’écriture. Tout d’un coup, on se sent en connexion immédiate avec l’auteure, qui évoque des sensations très personnelles et qui a fait un travail d’écriture pour essayer d’être au plus près de ses sensations. Je n’avais pas l’habitude d’entrer à ce point dans les psychologies féminines, et c’est pour ça que j’ai eu envie de l’adapter au théâtre.
Dans cette nouvelle, j’ai aussi ressenti le côté très climatique, elle mêle aussi bien le fond, la forme et le chaos que traversent les personnages. Je me suis dit qu’il y allait avoir un vrai travail sur l’espace et sur le son, sur ce qu’on a envie de faire ressentir aux spectateurs. Il y avait aussi ce plaisir d’actrice, d’incarner ces personnages féminins faits de complexité et d’ambigüité. On n’a pas si souvent l’occasion d’exprimer ces choses-là au théâtre.
Ce qui fait l’originalité de "Camp Cataract", c’est qu’il y a une forme de regard d’abord objectif qui, tout d’un coup, devient le regard subjectif de l’un des personnages. Au théâtre, tout le travail a été de faire basculer le spectateur dans la vision subjective du personnage.
La place de l’individu dans le monde est très présente dans mon travail. Il y a souvent des contradictions entre le rapport aux autres qu’on aimerait avoir, et celui qu’on a réellement, entre les décisions qu’on aimerait prendre et celles qu’on ne prend pas. On se pose toujours la question de savoir qui on est, sans jamais la résoudre. Chez Jane Bowles, ce qui est très important, c’est que ça touche au poids social qui pèse sur les femmes, et dont elle aussi a dû s’affranchir. Elle montre cet antagonisme entre la volonté d’indépendance et la dépendance aux regards des autres.
Lecture
Jane Bowles, Plaisirs paisibles (Christian Bourgois, 2011)
Archives
Evelyne Pieiller, émission « les mardis du théâtre », France Culture, 1995
François Truffaut, émission « Les après-midis de France Culture », France Culture, 1975
Références musicales
The low anthem, The circular ruins
Thore Pfeiffer, Gipfel
Bob Dylan, Like a rolling stone
Zu et Eugen Robinson, Near to sleep
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