Marin Fouqué : "Mon texte est politique, parce que dénué de tout cynisme"

Marin Fouqué
Marin Fouqué - Safia Bahmed-Schwart
Marin Fouqué - Safia Bahmed-Schwart
Marin Fouqué - Safia Bahmed-Schwart
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"77", le premier roman du jeune écrivain paraît aux éditions Actes Sud. L'occasion d'évoquer le 77, ce territoire qui n'est rien du tout, son écriture et sa recherche d'une oralité vraie, et son combat contre la virilité.

Avec

Un lycéen décide de ne pas monter dans le car scolaire et passe la journée seul dans l'abribus. Il regarde passer les voitures, laisse son regard se perdre sur les terres de son département, le 77, et se noie dans les souvenirs qui le lient à Enzo le traître, à la fille Novembre ou au grand Kevin.

Extraits de l'entretien

"Mon point de départ c’était de parler du sept-sept qui contrairement au neuf trois est un lieu qui n’a pas d’identité. Au début, je me suis posé la question de savoir qui j’étais pour écrire, quelle était ma légitimité. Quand on regarde les sujets des romans, notamment ceux de la rentrée littéraire, il y a de tout : on parle des migrants, de personnes qui vivent à l’autre bout du monde, de personnes qui se prostituent. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’universalisme de l’auteur. Moi, je me suis demandé de quoi j’étais légitime à parler, et ce qui m’a paru une évidence c’était le 77, c’est le territoire d’où je viens mais c’est aussi un des territoires qui n’est rien du tout : ce n’est ni la ville, ni la campagne, c’est le bitume et la boue, c’est un entre-deux permanent."

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"Je voulais une voix qui s’élève, qui se construise, et au fur et à mesure que je décrivais le 77, je me rendais compte qu’il fallait que cette voix soit de plus en plus grande pour pouvoir être entendue, et qu’elle ne se fasse pas écraser par le paysage. Avant tout, c’est un monologue intérieur, mais c’est aussi une histoire de corps, un corps avachi, et l’enjeu c’est de savoir s’il va se lever et ce qu’il va faire en se levant : exploser à la face du monde, s’effondrer dans le fossé, ou trouver une troisième voie. Ce monologue intérieur est une spirale permanente et j’avais besoin de sortir de cette spirale en l’écrivant. J’ai essayé de trouver une voie et j’avais envie d’une oralité vraie, pas une oralité feinte, une oralité qui se réinvente en permanence, et qui soit propre au narrateur."

"Dans cette perte que permet la drogue, il y a un moyen d’essayer de se trouver soi-même : c’est perdre l’accroche au monde pour se retrouver. Ça m’intéressait de travailler cet état de conscience. Dans le roman, à chaque fois que mon personnage se remet à fumer, c’est le moment où il se raccroche à la réalité : fumer, c’est son rapport  fugace au réel. "

"La virilité arrive même à s’insinuer dans le fait de bien rouler un joint : c’est comme le capitalisme, la virilité arrive à tout réinvestir, et même la perte de contrôle peut devenir une marque de virilité. C’est dingue comme le viril arrive à tout bouffer. "

Lectures

77, de Marin Fouqué (Actes Sud)

King Kong Théorie, de Virginie Despentes (Grasset)

Archives

Jean-Paul Goux, émission "Du jour au lendemain", France Culture, 2003  

Olivia Gazalé, émission "La Série Documentaire", France Culture, 2018

Edouard Louis, émission  "Hors champs", France Culture, 2016 

Références musicales 

PNL, Capuche

Michel Polnareff, Lettre à France

Mem Pamal, Fantomatik

Prise de son

Jean-Ghislain Maige

Vous pouvez écouter et/ou podcaster cet entretien en cliquant sur le lien ci-dessus

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