Nicolas Bouchaud : "Thomas Bernhard, c'est le champion de la contradiction"

Nicolas Bouchaud
Nicolas Bouchaud - Richard Schroeder
Nicolas Bouchaud - Richard Schroeder
Nicolas Bouchaud - Richard Schroeder
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Le comédien est de retour sur scène dans "Maîtres anciens-Comédie", la reprise de l'adaptation collective de l'avant-dernier roman de Thomas Bernhard, au théâtre de la Bastille du 10 mars au 3 avril 2020.

Avec

Devant le succès rencontré par la pièce à l'automne 2017, Nicolas Bouchaud revient au théâtre avec Maîtres anciens-Comédie, adaptation collective avec ses complices Éric Didry et Véronique Timsit de l'avant-dernier roman de Thomas Bernhard. Le comédien s'empare de ce texte qui ne ménage rien ni personne dans un seul en scène, drôle et corrosif. La pièce se joue au Théâtre de la Bastille du 10 mars au 3 avril 2020.

Nicolas Bouchaud dans "Maîtres anciens-Comédie" au Théâtre de la Bastille, 2020
Nicolas Bouchaud dans "Maîtres anciens-Comédie" au Théâtre de la Bastille, 2020
- DR

Extraits de l'entretien

L'écriture de Maîtres anciens est une écriture extrêmement roborative, d'abord, parce qu'elle est extrêmement drôle, en poussant à chaque fois l'irritation, ou l'exaspération, le plus loin possible, jusqu'à ce que quelque chose implose. Quand on est acteur des textes de thomas Bernhard, ce qu'on sent, au bout d'un moment, c'est qu'on est en train d'imploser. La grande vertu de Bernhard, c'est le rire, c'est pour ça que j'ai choisi ce texte, qui au départ, n'est pas mon roman préféré, parce que je me suis dit que pour la scène, il était formidable, parce qu'il est très drôle. En fait, au fond de l'écriture de Thomas Bernhard, il y a la farce, le grotesque, et son adresse au lecteur est très forte. C'est peut-être pour ça qu'il suscite le désir de le porter sur scène. 

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Il est rare que je monte un texte dans un temps précis. Ce qui m'intéresse le plus, et ce qui arrive toujours, c'est qu'on se relie au temps présent par le texte, et pas parce qu'il serait un discours sur le temps. Au théâtre, je ne crois pas au discours, à la dénonciation frontale : je pense qu'il faut passer par les bords, par l'indirect. Quand on est acteur, l'indirect, c'est important. Et Thomas Bernhard sait très bien que le personnage de l'acteur est un personnage extraordinaire pour la littérature, parce que c'est le personnage de toutes les métamorphoses. 

Quand on est acteur ou actrice, pour mémoriser certains passages des textes de Thomas Bernhard, on est obligé de s'inventer ses propres images pour mémoriser les siennes. C'est comme réécrire un livre dans le livre, et au fond, je me demande si, quand on est acteur et qu'on apprend des textes, ce n'est pas ce qu'on fait tout le temps. 

Il y a tout le temps de la vie chez Thomas Bernhard : plus c'est désespéré, plus il y a de la vie. C'est un grand destructeur, mais aussi un grand constructeur. Il est amoureux de ce qu'il critique. Pour lui, il faut à la fois critiquer les maîtres anciens, mais aussi les aimer : c'est le champion de la contradiction, de la vie dans les contraires pour échapper aux pensées toutes faites. En cela, il est épuisant, et parfois, il va chercher les lecteurs, les spectateurs, par l'exaspération : en faisant cela,  il attend une réaction, une chose vivante de la part de ceux à qui il s'adresse. 

Archives

Jean-Pierre Vincent, émission "Océaniques", France 3/INA, 1988

Thomas Bernhard, archive diffusée dans l'émission "Sur Scènes", France Culture, 2007

Dominique Valadié, émission "Par les temps qui courent", France Culture, 2017

Lionel Richard, émission "Cote d'amour", France Culture, 1989  

Références musicales

Bach, variation Goldberg, prélude en fa dièse (interprète: Glenn Gould)

Beethoven, Sonate n°17, la tempête (interprète: Soo Park)

Prise de son

Jean-Michel Bernot

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