Patrick Chauvel : "Le photographe est une sentinelle en alerte"

Patrick Chauvel lors du festival "Visa pour l'image, 2019
Patrick Chauvel lors du festival "Visa pour l'image, 2019 ©AFP - Raymond Roig
Patrick Chauvel lors du festival "Visa pour l'image, 2019 ©AFP - Raymond Roig
Patrick Chauvel lors du festival "Visa pour l'image, 2019 ©AFP - Raymond Roig
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Nous recevons le photographe de guerre pour son exposition "50 ans sur le front" présentée à Radio France jusqu'au 25 octobre. L'occasion d'évoquer son intérêt pour l'histoire et la mémoire collective, sa passion du récit, et le talent nécessaire pour ne pas trahir les personnes qu'il photographie.

Avec
  • Patrick Chauvel Reporter-photographe de guerre, écrivain et réalisateur de documentaires

Après avoir exposé ses photos à Perpignan lors du Festival International du Photojournalisme Visa pour l’Image, le photoreporter Patrick Chauvel présente pour la première fois à Paris son exposition « 50 ans sur le front », dans le cadre du festival Médias en Seine organisé par franceinfo et Les Échos le 8 octobre. 

De l’Afrique au Moyen-Orient jusqu’aux frontières de l’Europe, en Ukraine, Patrick Chauvel a photographié pendant cinquante ans plus de trente conflits. L’exposition "50 ans sur le front" retrace ainsi toutes ces années en tant que rapporteur de guerre à travers plus de soixante-dix photos. En plus des photos dévoilées lors de cette exposition événement à la maison de la Radio, certaines sont d’ores et déjà affichées en grand format sur la façade de la maison ronde. L'exposition prendra fin le 25 octobre 2019.

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Extraits de l'entretien

"On n’est pas là pour choquer le public, on est là pour l’informer. On ne peut pas tout lui cacher, mais on peut adapter le discours à un certain public. La photographie, c’est aussi une conversation, donc on fait attention. Je photographie tout, mais je ne montre pas forcément tout à la presse, en tout cas, pas toujours au moment où cela a été fait. Hors contexte ou à chaud, cela peut avoir un effet totalement négatif ou contraire à l’histoire. Par contre, il faut tout photographier, parce qu’on ne travaille pas que pour la presse, on travaille pour la mémoire collective, pour les historiens, les étudiants et les lycéens. J’ai créé ma fondation et donné mes archives au Mémorial de Caen dans un but historique et pédagogique. Ce qui m’intéresse c’est l’histoire, et la photographie n’est qu’un point de départ."

"Quand je quitte la guerre, j’ai l’impression d’abandonner les gens et c’est dur. Quelle que soit la cause, on est face à des gens armés, qui croient en ce qu’ils font, et qui sont animés par quelque chose et ça les rend beaux. Moi, je suis là pour raconter la partie de l’histoire qui les concerne, et ce qui m’intéresse, c’est de voir comment ils fonctionnent."

"J’aime cette aventure de la guerre. J’aime partir sans savoir ce qu'il va arriver. Le danger est tout autour mais je ne pense pas à la mort, je ne pense même pas à la blessure, je me demande seulement si je vais rencontrer les bonnes personnes, si je vais pouvoir raconter l’histoire, aller jusqu’au front. Ce n’est pas toujours facile, car il y a quelques fois des gens qui ne veulent pas qu’on voit ce qui se passe. Parfois, on se pose aussi la question de savoir pourquoi on nous laisse passer et à qui vont servir les images : il faut faire attention des deux côtés. Le fait qu’on nous empêche de travailler, ça prouve qu’on est utiles."

"Si on n’a pas de talent, on trahit les gens qui se confient à nous et qui comptent sur nous. Au début, je croyais que photographe, c’était une façon de vivre, mais en fait, c’est un métier et un métier sérieux. On essaie de raconter l’histoire avec le plus de talent possible, et pour cela, il faut que les photos soient suffisamment fortes et qu’elles résument la situation. La difficulté c’est que, contrairement à un livre que l’on peut poser quand on ne comprend pas ou que le moment est un peu trop fort, une photo elle vous saute à la gueule, elle vous prend à la gorge et, sur le moment, si elle est trop puissante, elle vous empêche de réfléchir."

Archives

Jean Hatzfeld, émission « Le cabinet de curiosités », France Culture, 1998

James Natchtwey, émission « La grande table », France Culture, 2013

Références musicales

Kamélya Jubran et Sarah Murcia, Suite nomade 1

Brigitte Fontaine, Déclaration de sinistre

Prise de son

Philippe Mersher

Vous pouvez écouter et/ou podcaster cet entretien en cliquant sur le lien ci-dessus

(1ère diffusion le 7/11/2019)

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