

L'artiste plasticien nous invite dans son laboratoire composé de chocs d'objets articulés comme une partition musicale, et nourris du monde. Il y questionne le temps et la distance du regard du visiteur, et les tensions entre les mondes, celui de la gloire et celui de la chute.
- Théo Mercier
Nous recevons Théo Mercier pour son exposition intitulée « Every stone should cry », au Musée de la Chasse et de la nature jusqu’au 30 juin.
Le plasticien change notre perception des objets du quotidien. Depuis des années, il constitue une collection éclectique au gré de ses trouvailles dans les marchés aux puces ou les bazars. Débarrassés de toute fonction utilitaire, les éléments qui la composent sont transfigurés par le regard de l’artiste : il révèle leur beauté formelle. Poursuivant, parallèlement à celle d’artiste plasticien, une carrière de metteur en scène pour le spectacle vivant, Théo Mercier conjugue ici l’exposition d’art et l’art d’exposer.

Pour cette exposition, je me suis intéressé à la question de l’anthropocentrisme et à celle du rapport entre l’homme et la nature. L’homme vit juste avec une idée de la nature qu’il déforme et reforme à sa guise, et je voulais qu’il y ait cette invective de l’homme sur la pierre, ce dernier degré de l’humanisation du monde qui serait que les pierres pleurent.
La mise en mouvement est l’une de mes préoccupations principales. Je n’ai pas envie d’anthropomorphiser la nature en permanence, mais je cherche à humaniser mes sculptures et l’astuce que j’ai trouvée, c’est de leur donner un son qui serait celui de leur mouvement. Dans mon exposition, au milieu de toutes les sculptures, il n’y en a qu’une qui soit réellement en mouvement, et c’est peut-être celle qui fait le moins de bruit. J’ai toujours trouvé une manière d’inviter la musique dans mon travail, ou de collaborer en tant que plasticien sur des pochettes d’album. J’aime que le travail soit dans la musique d’une manière ou d’une autre, et là, j’expose les objets comme des partitions musicales.
Toutes mes sculptures sont photogéniques, j’ai la préoccupation de la qualité du regard, du mien et de celui du spectateur. Depuis le début, la question du public est centrale dans mon travail et dans ma production, autant dans ma production de metteur en scène que dans celle de plasticien. Ce qui m’intéresse, c’est la question du temps et de la distance du regard : combien de temps regarde-t-on une sculpture ? Et à quelle distance ?
Quand j’ai commencé ma pratique de sculpteur, je pensais que mon rôle d’artiste allait être celui de combler le monde de ses manques. C’est pour ça que j’ai commencé à créer des œuvres faites de toutes pièces, dans des matériaux qui donnaient l’illusion d’être inédits. Je pensais que c’était mon rôle d’artiste, puis je me suis rendu compte que je n’inventais pas et qu’en fait, je me nourrissais du monde. J’ai voulu sortir de mon imaginaire et venir embrasser le monde, parce que ce qui m’intéressait, c’était ce qui m’entourait. Le monde ne manque de rien, ce qui manque c’est la manière de le regarder.
J’aime l’idée que le visiteur soit potentiellement le dernier regardeur d’une œuvre et la question de la précarité de nos vies, de ma vie d’artiste, mais aussi de celle de l’œuvre d’art, parcourt l’ensemble de mon œuvre. Je travaille à la manière d’un archéologue qui raconte sa propre archéologie des temps.
Archives
Jean Baudrillard, émission « Regard sur le monde à venir », France Culture, 1968
Philippe Lavastine, émission « Entretiens avec », France Culture, 1974
Références musicales
Création sonore de Pierre Desprats
Corynne Charby, Boule de flipper
Robbie Basho, Blue cristal
Philippe Katrine, Le douanier Rousseau
Prise de son
Jean-Michel Bernot
L'équipe
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