

Animal crépusculaire ou nocturne, le cerf donne de la voix lorsque la fin de l’été s’annonce et que les paysages commencent à tirer sur le roux. La nuit tombe et au loin dans la forêt, les cerfs brament.
C’est un cri en deux temps comportant une succession de sons stéréotypés suivis d’un cri de victoire un peu plus long. Cette clameur automnale, unique et reconnaissable entre toutes, parle de conquête, d’amour, de rivalité et d’énervement. A nous de prêter une oreille fine à ces nuances apportées, modulées, plus ou moins rauques et harmoniques, elles ont du sens. Le brame du cerf peut ainsi être langoureux, le son sera modulé, long et à sonorité claire... ou coléreux, avec un timbre intense à la voix éraillée.
Lorsque le cerf pousse son cri, il adopte une posture particulière, cou tendu et tête bien basculée en arrière, son corps tout entier est dirigé soit vers un concurrent, soit devant son harem de biches. Car, le cerf est polygame. Si mâles et femelles vivent séparément la majeure partie de l’année, que l’été voit essentiellement paître des hardes de biches avec leur progéniture, lorsque la période de reproduction arrive, toute cette organisation est chamboulée. Le mâle se rapproche des petits groupes de biches et va passer une grande partie de son temps à les rassembler à l’aide de ses bois, pour former son harem, tout en éloignant les éventuels prétendants. Une fois le harem constitué, le cerf fera la cour aux biches, en les suivant et en vocalisant, léchant l’air le cou tendu, jusqu’à ce qu’une femelle devienne réceptive. La fin de la parade fera, comme chez le chevreuil, l’objet d’une figure circulaire.


De manière générale, le brame du cerf a une vocation dissuasive, et permet d’éviter les mauvaises rencontres entre mâles. Chacun brame dans son coin et s’agace tout seul en se lançant dans des combats fictifs à base de coups de sabots et de jeux de bois dont la terre et les arbustes feront les frais. Mais si un cerf estime qu’il est en droit et en âge et en force de se confronter à un autre, le duel qui suivra sera alors très ritualisé. Car il s’agit d’en imposer, en bramant puissamment, en adoptant des postures intimidantes ou en faisant des marches parallèles. Le combat, s’il devait avoir lieu, n’arriverait qu’en dernière extrémité. Comme des lutteurs, les cerfs vont chercher à se pousser par les bois, qui peuvent faire à cette période de l’année entre 5 et 15 kgs pour un animal d’un 1m50 au garrot pour 200kg. C’est dire la puissance du choc, lorsque les bois se rencontrent. Les blessures peuvent être mortelles ; ou plus frappant encore, les cerfs peuvent rester coincés, accrochés l’un à l’autre par les bois, et mourir ainsi. On comprendra alors pourquoi malgré leur envie d’en découdre, les cerfs, en général philosophes, préfèrent éviter de s’emmêler les bois et livrent toute leur fougue et leur passion orageuse dans un brame aussi sonore qu’impétueux.


Prise de son : David Reby et Fernand Deroussen
Conseillers scientifiques : David Reby et de Henri Cap
Henri Cap est éthologue. Suite à un doctorat en éthologie, il s’est orienté vers l’étude du comportement animal en systématique phylogénétique. Responsable des collections de zoologie au muséum de Toulouse, il participe à leur gestion et à leur médiation au travers d’expositions et de recherches comme la pose d’une caméra embarquée sur une ourse sauvage en Slovénie et l’étude des données collectées. Il enseigne à l'université Paul Sabatier de Toulouse le comportement et l'évolution en écologie comportementale, ainsi que la biologie animale à l'université Jean-François Champollion d'Albi.
David Reby est
enseignant chercheur à l’Université du Sussex, en Grande-Bretagne. Il étudie la communication vocale chez les vertébrés, depuis le cri du goéland jusqu’à la voix humaine en passant par le brame du cerf.
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Fernand Deroussen compositeur audio-naturaliste spécialiste de l'art des sons de la nature et créateur du site www.naturophonia.fr
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