Le grillon lerneca

Grillon lerneca fuscipennis, Guyane, 2011
Grillon lerneca fuscipennis, Guyane, 2011 - Laure Desutter - mnhn
Grillon lerneca fuscipennis, Guyane, 2011 - Laure Desutter - mnhn
Grillon lerneca fuscipennis, Guyane, 2011 - Laure Desutter - mnhn
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Quelque part en Guyane. Des oiseaux, des grenouilles, des insectes, et au milieu de ce concert, le lerneca, un tout petit grillon d’un centimètre et demi, dont la couleur, semblable aux feuilles mortes lui permet de se fondre dans son environnement. C’est à son chant qu’on peut le repérer.

Seul le mâle lerneca chante. Il relève au-dessus de son corps une première paire d’ailes, qu’il ouvre, referme puis rouvre, à toute vitesse, produisant alors cette stridulation.

Ce son n’est autre que le frottement du rebord dur de l’aile gauche contre une sorte de petit peigne situé sous l’aile droite. Un peu comme si un ongle de pouce frottait rapidement les dents d’un instrument.

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Mais pourquoi, alors que cette forêt est pleine de prédateurs, le lerneca choisit-il de se faire remarquer en poussant un son si long et puissant? La reproduction bien sûr… Car ceci est un chant de séduction, censée attirer les femelles à distance. Un chant qui dit à peu près ceci :

« Ecoutez moi je suis là. Parfaitement prêt à me reproduire. Y aurait-il une femelle réceptive, par ici ? »

Il faut dire que tous les efforts déployés par le mâle ne seront peut-être pas couronnés de succès. En fonction de la puissance et de la qualité du chant, la femelle va évaluer les caractéristiques de cet éventuel reproducteur : est-il costaud ? bien portant ? bien nourri ? La réponse se trouve dans la qualité du chant et dans son déploiement.

Ce que l’on n’entend pas, par contre, c’est que notre lerneca est une sorte d’athlète de course de fond. Tout en chantant, ce grillon tourne sur lui-même puis saute, puis chante en tournant, puis effectue un nouveau bond. Un comportement propre au lerneca et très rare chez les grillons. Il peut parcourir des dizaines de mètres en deux heures, faire une pause puis repartir dans sa course éperdue. Difficile pour la femelle de repérer un mâle. A moins de passer son temps à courir après lui, activité bien dangereuse en plein jour alors que les prédateurs rôdent.

Raison pour laquelle, la lerneca femelle, reste immobile, tranquille au soleil et attentive ; cela tant que le mâle s’égosille et se déplace. Elle attendra donc qu’il ait fini de chanter pour le repérer et se déplacer. Rien ne sert de courir, il faut arriver à point.

Prises de son à la réserve naturelle des Nouragues en Guyane française : Jérémy Anso et Jérôme Sueur.

Conseillère scientifique : Laure Desutter

Laure Desutter(1) est Professeure du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, chargée de conservation des collections nationales d’Insectes Orthoptères. Son activité de recherche porte sur l’évolution des modalités de communication et de l‘habitat chez les grillons et groupes affines, dont elle est amenée à reconstruire les relations de parentés. Pour documenter les traits d’histoire de vie des espèces, elle effectue de nombreuses missions d’étude dans le milieu naturel, essentiellement sous les Tropiques, avec pour terrains privilégiés l’Amérique tropicale et la Nouvelle-Calédonie. Cette activité se traduit entre autres par la description de taxons nouveaux. Laure Desutter est également en charge de la Sonothèque du Muséum.

Jérémy Anso(1, 2) a étudié Lerneca fuscipennis dans le cadre de son Master, sous la direction de Laure Desutter. Il a plus particulièrement suivi et caractérisé le chant d’appel et les comportements émetteurs des mâles dans le milieu naturel en Guyane française: ces résultats sont en cours de publication. Jérémy Anso vient de terminer, sous la direction de Laure Desutter, Hervé Jourdan(2) et Eric Vidal(12), une thèse de doctorat portant sur les grillons de Nouvelle-Calédonie et sur leur utilisation potentielle en tant que bioindicateurs pour suivre l’état du milieu naturel, face à des perturbations naturelles ou anthropiques.

Équipes de recherche :

(1) Institut de Systématique, Evolution et Biodiversité, ISYEB – UMR 7205 CNRS, MNHN, UPMC, EPHE, Muséum national d'Histoire naturelle, Sorbonne Universités, CP 50, 57 rue Cuvier, 75231 Paris cedex 05, France

(2) Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université, UMR CNRS, IRD, UAPV, Centre IRD Nouméa, BP A5, 98848 Nouméa Cedex, Nouvelle-Calédonie

Recherche iconographique : Frédéric Guilbert (Sonothèque du Muséum d'Histoire Naturelle)