

L'artiste Michel Nedjar évoque sa pratique artistique, une oeuvre tissée avec tous les évènements de sa vie, toutes ses rencontres ainsi que les morts et les vivants qui cohabitent à travers des poupées, des dessins et des peintures, actuellement exposés à Villeneuve d'Ascq ainsi qu'à Paris.
- Michel Nedjar artiste plasticien
Aujourd'hui, dans Paso Doble :
Michel Nedjar, artiste, pour l’exposition Michel Nedjar, introspective, jusqu’au 4 juin 2017 au
LAM Lille métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut
Et exposition Crossroads à la
galerie Christian Berst à Paris jusqu’au 22 avril 2017.
Petit garçon, j’étais fasciné par les poupées de mes soeurs, pas pour jouer à la poupée ou la dînette, c’était déjà le fétiche et l’idole qui m’intéressaient et je désirais posséder une poupée même si on me faisait gentiment comprendre que les poupées étaient réservées pour les filles. Un jour, ma soeur fait tomber sa poupée qui se casse en mille morceaux. Il restait une jambe intacte et j’ai eu comme un instinct de ramasser cette jambe et d’enrouler cette jambe avec un morceau de tissu –il y avait toujours du tissu à la maison puisque mon père était tailleur-, et j’en ai fait ma poupée. J’ai donc fait des poupées avec tout ce que je trouvais et grâce à cette interdiction, j’ai pu transgresser et créer ma poupée, heureusement que j’ai échappé aux poupées Barbie !
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L'exposition présentée par le LAM
Michel Nedjar (1947), artiste à la croisée de l’art brut et de l’art contemporain, est l’un des membres fondateurs de l’association L’Aracine qui donna son exceptionnelle collection d’art brut au LaM en 1999. Ses poupées de chiffon et de boue sont à ce jour ses œuvres les plus identifiées par le public, alors même que son importante production artistique est loin de s’y limiter. L’exposition "Michel Nedjar, introspective" propose donc d’explorer toutes les facettes de l’œuvre de l’artiste : poupées bien sûr, mais aussi sculptures, dessins, peintures et films expérimentaux, de 1960 à 2016, ainsi que les thèmes qui sous-tendent l’ensemble de son travail : l’enfance et le primitivisme, la vie et la mort, la magie et le voyage.

Beaucoup de gens de ma famille ont été déportés, gazés, j’ai perdu mes deux grands-pères. Enfant, en 1961, j’ai vu le film Nuit et brouillard, il y avait un avant, l’eden, l’enfance, l’innocence, et après avoir vu le film, c’était l’enfer, je suis tombé dans la fosse, j’ai senti et compris qu’étant juif on pouvait me tuer, et donc je me suis dédoublé pendant très longtemps. La création des poupées m’a aidé, j’ai pris ça comme exhumation et guérison de ma souffrance, de ma douleur et de ma peur : ces poupées m’ont sauvé.


La première fois que j’ai vu une oeuvre d’art brut, c’était un très beau dessin d’Aloïse, je me suis dit « si ça c’est reconnu comme oeuvre, pour moi, tout est ouvert »... Je suis autodidacte et ça été une révélation, un changement esthétique et plastique du monde. Il n’y avait pas marqué « art brut » à côté de l’oeuvre d’Aloïse mais « dessin de schizophrène », pour moi c’était un mot magique, je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais je me suis dit « s’il faut être schizophrène pour faire ça, je veux être schizophrène ! ».


On me parle de poupées sombres et de poupées de lumière, moi je n’emploie jamais ce terme de « lumière », c’est autre chose... je pourrai peut-être le dire dans vingt ans ou trente ans, là c’est trop récent, j’ai une intuition mais je n’ai pas les mots pour le dire.
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