Bianca Castafiore ou le Monde en cage

Avant Les Bijoux de la Castafiore, album atypique, dans les aventures de Tintin, la Castafiore n'était apparue que dans quelques scènes. La voici au centre d'un récit de vol de bijoux, diva à la fois élégante et un peu ridicule, mise sous les projecteurs d'une histoire, où selon, la formule malicieuse d'Hergé, "il ne se passe rien". 

Pour parler de Bianca Castafiore, célèbre pour son interprétation de l'Air des bijoux de Gounod, Charles Dantzig reçoit Benoît Peeters, écrivain, scénariste et professeur à l’Université de Lancaster. Spécialiste des bandes dessinées et plus spécifiquement de Tintin, il vient de publier Dans les coulisses des aventures de Tintin (Bayard, "Les petites conférences", 2019), ainsi que La Bande dessinée entre la presse et le livre. Fragments d'une histoire (BNF Editions, "Collection Conférences Léopold Delisle, 2019). Autour d'Hergé et de son oeuvre, rappelons :  Le Monde d’Hergé (Casterman, 1983_), Hergé, fils de Tintin_ (Flammarion, 2002) et Lire Tintin. Les Bijoux ravis (Les Impressions Nouvelles, 2007).

Benoît Peeters revient sur la séduction paradoxale de la Castafiore :

La Castafiore est "imposante". Hergé employait parfois cette expression venue de son enfance : "c’est une belle personne". Une belle personne est une personne plutôt bien en chair, une de ces dames, de ces tantes, de ces visiteuses chez lesquelles il [Hergé] allait parfois étant enfant et qui l’impressionnaient… La Castafiore n'est ni belle, ni laide : c'est une femme séduisante à sa façon.

Auteur : Hergé (George Remi). 1907-1983. Belge. Auteur de bandes dessinées. Politique : droite. Hétérosexuel.

Personnage : Bianca Castafiore 

Le site Tintin.com lui consacre une belle page et rappelle que son nom "Bianca Castafiore signifie littéralement blanche chaste-fleur".

Œuvres : Les albums tels que :   Le Sceptre d'Ottokar, Les Sept Boules de cristal, L'Affaire Tournesol, Coke en stock, Les Bijoux de la Castafiore, Tintin et les Picaros et l’inachevé Tintin et l'Alph-Art. 

Adaptation au cinéma : dans le film Tintin, le secret de la licorne, de Steven Spielberg, en 2011, le personnage de Bianca Castafiore est interprété par Kim Stengel.

Bibliographie

Hergé, Le Sceptre d'Ottokar, Les Sept Boules de cristal, L'Affaire Tournesol, Coke en stock, Les Bijoux de la Castafiore, Tintin et les Picaros et Tintin et l'Alph-Art, Casterman

Benoît Peeters, Lire Tintin. Les Bijoux ravis (Les Impressions Nouvelles, 2007, 1re édition chez Magic-Strip, 1984). Benoît Peeters rappelle en ouverture de cette nouvelle édition actualisée : 

"Ce livre a une longue histoire. A  l’origine, vers 1978, il s’agissait de mon diplôme de l’école Pratique des Hautes études, préparé sous la direction de Roland Barthes. Inspiré de la méthode que Barthes lui-même avait utilisée dans son livre 'S/Z', pour approcher 'Sarrasine' de Balzac, mon projet était celui d’une lecture exhaustive des 'Bijoux de la Castafiore' d’Hergé. Je voulais analyser l’album d’Hergé page après page et case après case, en lui portant la même attention qu’à un grand texte classique." 

Renaud Nattiez, Les femmes dans le monde de Tintin. De Bianca Castafiore à Peggy Alcazar (Sepia, 2018)

Benoît Peeters revient sur la question de la rareté des personnages féminins dans les Aventures de Tintin. Il indique que "cette rareté s’explique très facilement".

Si misogynie il y a dansIl faut imaginer que Hergé, qui créé Tintin en 1929, et qui le développe dans le Petit Vingtième, le supplément hebdomadaire belge ultra-catholique, ultra-conservateur, s’adresse d’abord aux garçons ; et, après la guerre, quand les hebdomadaires Spirou et Tintin apparaissent, ces deux hebdomadaires sont très liés au milieu du scoutisme, au milieu des collèges religieux… La représentation d’une femme jeune, un tant soit peu séduisante –même s’il n’y avait rien d’érotique– , suffit à mettre en émoi. Il y a de nombreuses anecdotes qui montrent que jusqu’au début des années 1960, cela génère des menaces de désabonnents, des protestations, des lettres nombreuses.  Il suffit d’une jeune fille pour que l’on ait l’impression d’avoir induit tous les petits lecteurs en tentation, donc Hergé ne se permet pas ce genre de personnages sauf pour des silhouettes très très épisodiques… Il disait aussi qu’il ne voyait pas – et peut-être est-ce une de ses limites – comment caricaturer une jolie femme… 

En référence

Secret professionnel, les divas         

French and Saunders, « Opera Divas » 

L’invité du Dimanche, Maria Callas  (1969) : 

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