

Enraciné, ou qui "n'a nulle part où aller, qui est l’Américain, "né aux USA"? Un patriote buté? Un critique de son pays pour le rendre meilleur? Entre blues dépressif et refrain puissant, rugi par Bruce Springsteen, la chanson "Born in the USA" reste une de ses chansons "des plus incomprises".
Qu'est-ce qui fait qu'on est Américain? Qu'est-ce qu'être né aux Etats-Unis, s'interroge Bruce Springsteen, dans cette chanson et bien d’autres, qui reprennent souvent le mot « born" (être né), depuis « Born to run »? Quel Américain? Le social prévaut-il sur la communauté? Une communauté empêche-t-elle qu’on en soutienne une autre, comme Springsteen l’a fait avec les Noirs et les gays? Et qu’est-ce que la virilité telle qu’on l’apprend à l’homme né aux USA?
Pour en parler, Charles Dantzig reçoit le journaliste Jean-Marie Pottier, auteur de plusieurs ouvrages sur la musique et qui publie ces jours-ci Alternative nation : la scène indépendante americaine 1979-2001 (Le Mot et le Reste, 2021)
Musicien épique, originaire du milieu ouvrier du New Jersey, Bruce Springsteen est le chroniqueur de sa vie en Amérique. Les présidents républicains depuis Reagan ont tenté de se réapproprier "Born in the USA" avec la dernière mauvaise fois, engendrant un malentendu mondial qui en a fait une chanson nationaliste.
Avec Barack Obama, le « vieux lion » du rock a noué une relation amicale. Ils se sont entretenus dans un intéressant podcast que l'on peut écouter sur Spotify et qui est publié ces jours-ci sous forme de beau livre par les éditions Fayard.
L'ambiguïté de Born in the USA
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Le journaliste, spécialiste de rock, Don McLesse, souligne en octobre 1984, "le réalisme âpre" de "Born in the USA" en citant les paroles :
"Je brûle la route depuis dix ans / Nulle part où courir, nulle part où aller. (I'm ten years burning down the road / I've got nowhere to run and nowhere to go)."
Bruce Springsteen dit aussi:
"Ils ont mis un fusil dans ma main. Ils m'ont envoyé dans un pays étranger pour aller tuer l'homme jaune". Et puis, après le refrain, "je suis né aux Etats-Unis", "c'est le retour au foyer à la raffinerie" (So they put a rifle in my hand/Sent me off to a foreign land/To go and kill the yellow man/Born in the U.S.A./I was born in the U.S.A..../Come back home to the refinery...)
Dans son autobiographie Born to run, Bruce Springsteen revient sur la création de la chanson :
"J'ai plaqué quelques accords sur ma Gibson J200, couleur soleil, j'ai feuilleté mon calepin, je me suis arrêté pour murmurer le couplet d'une chanson en cours où il était question de soldats de retour du Vietnam. J'ai jeté un œil à la première page du scénario et j'ai chanté le titre 'Born in the USA'. Moi aussi j'étais né aux Etats-Unis. J'ai directement piqué 'Born in the USA' à la page titre du scénario de Paul Schrader (…)."
L'auteur compositeur considère sa chanson "Born in the USA", comme une de ses meilleures créations, mais elle est aussi "une des plus incomprises", souligne-t-il encore dans ses mémoires:
"C'était un blues de GI, les couplets énuméraient des faits, le refrain martelait l'unique vérité indéniable... le lieu de naissance et tout ce qui allait avec : le sang, la confusion, mais aussi les aspects positifs et la grâce. Quand vous avez payé corps et âme, vous avez largement mérité votre lopin de terre, que vous aménagerez à votre guise. (…) . La combinaison des couplets blues dépressifs et des refrains déclaratifs enjoués, la revendication du droit à une voix patriotique "critique" allant de pair avec la fierté de la patrie, était manifestement trop contradictoire (...). Les chansons sont souvent des tests de Rorschach auditifs : on y entend ce qu'on a envie d'entendre."
Selon Jean-Marie Pottier,
"il faut y voir une espèce de patriotisme très ambigu. A la fois, l'Américain de Born in the USA se revendique de ce pays, mais en même temps, ils reconnait que ce pays a fait et lui a fait".
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La masculinité chez Bruce Springteen
Charles Dantzig relève "des échanges très intéressants dans le podcast avec Obama à propos de ces hommes nés aux Etats-Unis et en particulier sur l'idée de la masculinité en Amérique".
"Obama dit que ce qu'on apprend aux garçons, c'est à être des hommes à partir de deux critères : le sport et la conquête sexuelle. et Springsteen l'interrompt et ajoute: 'Et la violence'."
Jean-Marie Pottier souligne comment Bruce Springteen a pu jouer aussi de son image de "mâle américain":
"Il a un changement d'image, à un moment, parce qu'au tout début de sa carrière, il est plutôt gringalet (...) alors qu'au moment de 'Born in the USA' (il a 35 ans), il est beaucoup plus musclé. Et c'est ce qui participe aussi du malentendu autour de la chanson, parce qu'on est à une époque où les héros de l'Amérique sont musclés. Et c'est aussi pour ça que la chanson a été en partie interprétée de travers. Et d'ailleurs, Springsteen l'a reconnu. Il a dit à une époque de sa carrière : 'J'ai joué sur le côté le cliché du mâle alpha'. Il a une formule assez amusante dans le podcast avec Obama, en disant : 'Il y a un côté gladiateur quand on paraît sur scène'."
Auteur : Bruce Springsteen, chanteur américain, né en 1949.
Œuvre : « Born in the USA », chanson extraite de l’album du même titre, 1984. Entretiens avec Barack Obama, Fayard, 2021.
Personnage : l’Américain né, ou non, aux Etats-Unis_._
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Bibliographie
Bruce Springsteen,
Born in the USA, CD et plates-formes
Bruce Springsteen et Barack Obama,
Born in the USA, Fayard /
Renegades, born in the USA (Penguin Random House, 2021)
Bruce Springsteen,
Born to run, mémoires, Albin Michel
Bruce Springsteen, Springsteen par Springsteen, Bartillat, 2015
Bruce Springsteen, The Legendary 1979, No Nukes Concerts, DVD
Jean-Marie Pottier,
Alternative nation : la scène indépendante américaine 1979-2001, Le mot et le reste.
Jean-Marie Pottier,
Ground Zero, une histoire musicale du 11 septembre, Le mot et le reste, 2016.
Jonathan Demme, Philadelphia Story, DVD
Germain Nouveau, La Doctrine de l’amour, Poésie/Gallimard

En référence
Charles Dantzig et Personnages en personne sur Facebook :
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