« Electeurs à vomir » et nausée : Henri Guaino face à Sartre

Henri Gaino
Henri Gaino ©AFP - CITIZENSIDE / NICOLAS KOVARIK / CITIZENSIDE
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Henri Gaino ©AFP - CITIZENSIDE / NICOLAS KOVARIK / CITIZENSIDE
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Dimanche prochain, on en aura tous fini avec les élections. Mais, dimanche dernier et le premier tour des législatives, certains candidats en avaient déjà fini… c’est le cas d’Henri Guaino, tout autant dégoûté que libéré…

Et il y a de quoi, car que vient faire un tel mot dans la bouche d'un homme politique, que l'on peut croire rôdé, justement après tant d'années, au contrôle de soi et à la langue de bois ? Mauvaise tête ou coup de tête, à quoi Henri Guaino s'est-il donc laissé aller ?

Eh bien peut-être à la nausée, celle-là même que Sartre décrit avec son personnage d'Antoine Roquentin. Car, comme Henri Guaino, lui aussi, face au monde, a des envies de vomir... mais quand l'un est pris de nausée dans un café, l'autre continue à l'étaler sur les plateaux télé... et si loin de subir la nausée, Henri Guaino en avait fait, au contraire, de quoi retrouver sa liberté ?

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« Comme je me sens loin d'eux, du haut de cette colline. Il me semble que j'appartiens à une autre espèce. Ils sortent des bureaux, après leurs journées de travail, ils regardent les maisons et les squares d'un air satisfait, ils pensent que c'est leur ville, une « belle cité bourgeoise ». Ils n'ont pas peur, ils se sentent chez eux. Ils n'ont jamais vu que l'eau apprivoisée qui coule des robinets, que la lumière qui jaillit des ampoules quand on appuie sur l'interrupteur (…). Ils ont la preuve, cent fois par jour, que tout se fait par mécanisme, que le monde obéit à des lois fixes et immuables. (…) Les imbéciles. Ca me répugne, de penser que je vais revoir leurs faces épaisses et rassurées. Ils légifèrent, ils écrivent des romans populistes, ils se marient, ils ont l'extrême sottise de faire des enfants ».

Tels sont les mots décomplexés de Roquentin pour décrire sa ville et ses habitants « imbéciles »... de quoi rappeler les « électeurs à vomir » d'Henri Guaino, de quoi rappeler la position de surplomb qu'il tente d'afficher, sa prétendue lucidité qu'il n'a de cesse d'exhiber.

Mais pourquoi vouloir ainsi la professer ? C'est bien le problème : si la nausée donne à Henri Guaino le plein sentiment d'exister et une liberté de ton retrouvée, pourquoi s'entêter à le montrer, pourquoi tant vouloir le prouver ?

Que la politique en dégoûte certains, électeurs comme candidats, pourquoi pas... mais jusqu'où la nausée n'est-elle pas un mauvais procédé quand elle est tant exposée ? Pourquoi donc venir, délibérément, à la télé, vomir ce terme même de « vomir » ?

C'est bien à nouveau la même différence entre Antoine Roquentin et Henri Guaino : l'un a la nausée dans un café ou devant un marronnier et prend conscience de l'absurdité de l'existence, de sa propre existence, mais l'autre a la nausée devant ses propres électeurs et prend conscience alors de l'absurdité de son existence politique, de sa seule carrière.

Et si, par comble, Henri Guaino avait, au final, fait de sa nausée de quoi justifier sa mauvaise foi de candidat éliminé ?

CONSEIL

Je conseille à Henri Guaino de lire L'Etre et le Néant, la partie sur la mauvaise foi du garçon de café, de quoi prendre conscience de la mauvaise foi du mauvais joueur.