Frontières : l'échelon européen est-il le plus pertinent ?

Frontières : l'échelon européen est-il le plus pertinent ?
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"Europe-passoire" contre "Europe-forteresse". La question des frontières de l'Union européenne peine à s'affranchir des slogans définitifs, en cette période de campagne pour l’élection des eurodéputés, le 25 mai. Pourtant, la nuance s’impose : si l’Europe des frontières existe bel et bien, elle peine à trouver son fonctionnement. Pixel, reportage multimédia et interactif, est signé Frédéric Says.

Frontières UE Europe Pixel
Frontières UE Europe Pixel
© Fotolia - Zuchero

(Zuchero © Fotolia.com)

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Ces images nous arrivent épisodiquement, après chaque nouveau drame en méditerranée. Des corps anonymes repêchés, qui viennent grossir les statistiques et suscitent une éphémère attention médiatique. Il y a cinq mois, c’est une vidéo clandestine tournée à l’intérieur d’un centre de rétention sur l'île italienne de Lampedusa qui avait remis la gestion de l’immigration illégale au cœur des débats :

La surveillance des quelque 50 000 kilomètres de frontières de l’Union européenne interroge. D’autant que le budget de Frontex , l’agence européenne chargée de coordonner et d’appuyer la surveillance des frontières, est relativement faible, et en baisse :** 89 millions d’euros ** en 2013 (contre 115 en 2011). A ce propos, retrouvez aussi le Magazine de la rédaction "L'Europe face à l'immigration : l'impasse bulgare")
Tensions entre États

Ce mardi 13 mai, un violent échange a opposé le ministre italien de l’Intérieur, Angelo Alfano, à la commissaire européenne pour les affaires intérieures, la suédoise Cecilia Malström. Elle est chargée de surveiller l’application des accords de Schengen. La controverse a commencé après qu’elle a affirmé n’avoir reçu **« aucune demande » ** claire de la part des Italiens à propos des migrants débarqués sur ses côtes. Le ministre italien a alors haussé le ton :

Ou l’Europe nous aide à protéger notre frontière, ou nous ferons valoir que le droit d’asile reconnu par l’Italie est valable pour toute l’Europe. L’Italie ne peut pas devenir la prison des réfugiés.

Autrement dit, soit l’Europe nous aide, soit nous ouvrons les vannes. La menace n’est d’ailleurs pas abstraite : c’est précisément ce qu’avait fait Silvio Berlusconi en 2011, au plus fort de l’émigration liée aux printemps arabes. La France avait d’ailleurs dû rétablir les contrôles aux environs de Vintimille.

Un retour aux contrôles des frontières nationales est-il possible ? Il serait difficile, et pas forcément efficace, selon Catherine Wihtol de Wenden , directrice de recherche au CERI et spécialiste des questions d’immigration. Car si ces arrivées de migrants clandestins par bateaux – ou en franchissant les barbelés de Ceuta et Melilla – sont spectaculaires, elles ne représentent qu’une petite minorité des entrées clandestines en Europe :

La majorité des immigrés clandestins ne sont donc pas des rescapés de dangereuses traversées méditerranéennes. Hadji est Sénégalaise, elle a 23 ans, elle séjourne en France, sans-papiers, depuis 7 mois. Elle a dû fuir les persécutions liées à ses préférences sexuelles. Écoutez son témoignage (pour information, 800.000 francs CFA = 1.200 euros) :

Une Europe laxiste ?
Le discours ambiant sur le laxisme supposé de l’Europe « est faux, pour deux raisons », selon Marie Laure Basilien-Gainche , professeur de droit public à l’université Jean Moulin – Lyon 3 :

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Il demeure d’ailleurs de nombreuses dispositions transitoires – la Roumanie et la Bulgarie ne font par exemple pas partie de Schengen – tout comme des procédures d’exception, qui peuvent permettre les contrôles aux frontières nationales.

Marie-Laure Basilien Gainche
Marie-Laure Basilien Gainche

La question de la souveraineté, posée par la disparition progressive des frontières nationales, est aussi interrogée par un autre phénomène : la participation croissante de sociétés privées dans la gestion des frontières :

On a une souveraineté qui ne relève pas de l'Etat, mais ce n'est pas dû à l'Union européenne. C'est dû aux modes de gestion choisis par chacun des Etats ; de privatiser la gestion de compétence en matière de contrôle des frontières.

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38 sec

Le nouvel équilibre des frontières, face à une pression migratoire qui ne régresse pas, passe par une réorganisation de la coopération. Actuellement, le réglement de Dublin impose la prise en charge des migrants au premier pays d’accueil traversé. Souvent l’Italie ou la Grèce. Un déséquilibre qui fait peser l’immense majorité de l’effort sur une poignée d’Etats.

L'immigration clandestine dans la campagne des élections européennes

Au-delà des chiffres (découvrez l’infographie interactive sur les données de l’immigration clandestine vers l’Europe), l’immigration illégale alimente les discours, nourrit les postures. Marine Le Pen et Florian Philippot sont ainsi attendus vendredi à Sierck-les-Bains, à quelques pas de la ville luxembourgeoise de... Schengen.

A une semaine des élections européennes, la question des frontières fait partie des thèmes privilégiés par les candidats. En particulier dans la circonscription grand Sud-Est, où le Front national est donné en tête.

Renaud Muselier , tête de liste UMP, dit tenter de « trouver un équilibre sur la question » :

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« L’Europe peut encore accueillir des migrants » pour Marie-Christine Vergiat , députée européenne sortante du Front de gauche – et militante de longue date à la Ligue des droits de l’Homme :

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Vincent Peillon , la tête de liste PS, n’a pas trouvé le temps de répondre à nos questions. « Cette thématique des frontières fait l’objet de trop de postures », explique son entourage.

Pour le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen , il faut d’urgence rétablir les frontières nationales, « tout comme on met un imperméable quand il pleut » :

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4 min

Comme chaque semaine, voici une sélection de vos témoignages et commentaires :

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