Classique au Japon ou aux États-Unis, le phénomène en France est complexe et a de très multiples visages. Depuis 2009, le dispositif cumul emploi retraite et les conséquences de la crise poussent toujours davantage de retraités à travailler.
Ils sont au moins 500.000 sur 15 millions de retraités, souvent auto-entrepreneur, et pas majoritairement par nécessité financière. Enquête d' Eric Chaverou.
A 64 ans, Marinette témoigne anonymement en souriant, même si elle a été obligée de chercher un complément de revenus. Sourire aux lèvres parce qu'elle a trouvé des sorties d'écoles comme elle le souhaitait. Grâce d'ailleurs à un site qui a lancé un appel à des mamie sitters en décembre dernier, pour trouver des personnes fiables qui s'inscrivent davantage dans la durée que des étudiantes. Marinette, qui touche 1.200 euros de retraite par mois (tout juste la moyenne française), joint ainsi l'indispensable, de son point de vue, à l'agréable. Dix heures par semaine avec deux garçons de 7 et bientôt 4 ans, pour 10 à 20% de revenus supplémentaires ET des « dessins, des cadeaux et des câlins » :
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« Vous n'allez pas postuler pour un emploi ! Il est temps de se reposer. »
Mais tous n’ont pas la chance de trouver du travail, malgré des sites spécialisés qui se multiplient.
Et les femmes, aux carrières morcelées, souvent seules, sont les premières touchées, notamment à l’écart des grandes villes.
Témoin, Béatrice Piétrini . Depuis un village près de Saumur, cette mère de 4 enfants que son mari a laissé seule essuie refus sur refus, notamment dans la vente (sa dernière activité), et y compris au noir.
Elle sait que cela va heurter mais elle remet du coup en cause la retraite à 60 ans, alors que les études et l'espérance de vie sont de plus en plus longues : « à 60, 65 ans, moi, je suis désolée, je suis très bien dans ma tête. Je suis très bien dans ma peau. Physiquement, j'arrive à faire plein de choses. Donc, c'est très réducteur. (...) Pourquoi ne pas faire une retraite un peu plus libre ? »
Avec 730 euros de pension par mois, celle qui fut un temps secrétaire dans une ambassade est donc obligée de pratiquer le système D avec un budget des plus serrés et de compter sur le bouche à oreille en distribuant son CV.
Son récit est édifiant :
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La pauvreté des retraités augmente mais ils se mobilisent peu
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Ce 1er avril, les retraites complémentaires vont être revalorisées à la baisse après un récent accord entre le patronat et certains syndicats. Fini l'indexation sur l'inflation. Une baisse de pouvoir d'achat pour 11 millions de retraités validée pour 3 ans en vue de renflouer les caisses des régimes de retraite. Et ce n'est pas fini puisqu' une nouvelle réforme des retraites se profile pour la fin de l'été. Dans ce contexte, les syndicats négocient et mobilisent. Comme ce jeudi dans plusieurs villes de France, à l'appel avant tout de la CGT, contre une image de nantis. Mais Jean-Paul Tripogney, le secrétaire général de l'UNSA retraités , confie que les adhérents dont il ne nous donnera pas le nombre sont difficiles à faire descendre dans la rue. « Souvent, le retraité vit mal mais n'en parle pas », explique-t-il :
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A propos du pouvoir d'achat des retraités, à la baisse , écoutez les précisions d'Annabelle Grelier , de la rédaction de France Culture (1er avril) :
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Un rapport de référence
Il est signé de l'IGAS (l'Inspection Générale des Affaires Sociales) et évoque longuement le cumul emploi retraite. Une première en France qui a nécessité des semaines d'enquête, menées notamment par Christine Daniel, inspectrice générale des affaires sociales . Où l'on apprend par exemple que les motivations financières ne sont pas majoritaires dans la quête d'un complément de revenus, une fois retraité. L'IGAS qui préconise de faciliter les modalités d'accès au cumul emploi retraite :
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« Globalement, il y a une accélération énorme parce que je pense aussi, qu'aujourd'hui, les retraités qui veulent retravailler s'assument. »
C'est un bébé, comparé au public qu'il a décidé de conquérir après un séjour aux Etats-Unis. Bertrand Favre pilote à 30 ans le site BitWiin.com, lancé en 2008 et qui se veut "spécialiste de l'emploi senior". Dans le petit studio qui lui sert de bureau, il suit les plus de 25.000 seniors inscrits à fin 2012 dans tout le pays . Contre 10.000 un an plus tôt. Désormais autant de femmes que d'hommes, à 80% pour des raisons plus personnelles que financières , face à de plus en plus d'offres liées aux enfants et aux personnes âgées et des employeurs qui ne sont plus que des particuliers.
Bertrand Favre raconte : « Je me souviens très bien qu'au départ, ce n'était pas facile de dire à son entourage : je suis à la retraite, je vais retravailler. C'était souvent compris comme "j'ai besoin de gagner de l'argent parce que sinon je n'ai pas assez. Aujourd'hui, le retraité qui travaille s'assume. Il montre qu'il a un pied dans la vie active. C'est une retraite à la carte. » Et d'ajouter : « Aujourd'hui, personne ne pense naturellement à faire appel à un retraité. Par contre, quand vous lui en parler, il va dire : bah oui, quelle bonne idée, je n'y avais pas pensé » :
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Des retraités d'exception
Tout est parti d'un héritage en indivision il y a 8 ans : l'hôtel Kergorlay Langsdorff. Un des rares hôtels particuliers de la colline de Chaillot, dans le 16e arrondissement de Paris, à être resté depuis la Belle Epoque dans la famille de son commanditaire.
Et c'est justement cette famille de retraités qui gère aujourd'hui ces lieux somptueux. Au milieu de quantité de souvenirs de Napoléon, y compris une mèche de cheveux. Descendants du général de Caulaincourt, les 6 frères et sœurs, âgés de 60 à 70 ans, ont rénové et administrent ce qui depuis un an sert à nombre d'événements : séminaires, tournages, émissions de télévision ou visites culturelles.
Avec pour gérant Christian Cyril de Langsdorff , ancien chef d'entreprise à l'abri du besoin :
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Et son frère Gilles , qui a fait toute sa carrière au ministère de la Culture et trouve là un presque nécessaire complément de revenus, pour payer par exemple son loyer :
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Et vos avis ?
Et aussi, recueillis sur notre site :
NicosM 22.12.2013
Avec la crise, c'est évident que le phénomène des retraités continuant à travailler va s'accentuer. Ces petits boulots ne permettent pas des rentrées d'argent énormes, mais sont importants aussi pour l'estime de soi, et pour se sentir utile encore, même à la retraite, dans une société qui a tendance à valoriser le "jeunisme".
Les sites de mises en relation entre seniors et particuliers employeurs fleurissent sur le Web, j'en ai même vu un petit dernier qui s'appelle, de façon un peu provocante, loue un retraite.fr !
Charret 30.03.2013
Le débat sur la retraite est plein de mensonges volontaires ou non.
La retraite est un droit acquis par le TRAVAIL, une construction solidaire pour ne plus être obligé de travailler. Mais ce n'est pas une interdiction. On confond activité et travail.
Les gens qui ne veulent pas de leur droit à la retraite sont ceux qui ont des privilèges professionnels et que ça ne fatigue pas (ou pour éviter la pauvreté).
Le vrai problème est le revenu et la soumission professionnelle...
On veut de gens sans espoir sans perspective incapable de se construire un avenir pour être docile au jour le jour. La propagande sur les retraites actuelle a pour but de fabriquer des fonds de pension privés qui partiront dans la spéculation ou paradis fiscaux. Cela fabrique aussi de la haine sociale entre ceux qui travaillent (souvent dans la soufrance) et ceux qui ne travaillent pas (chomeurs, retraités, malades...vieux).
J'ai travaillé 40 ans en étant FIER de payer pour les autres.
Honte à ceux qui veulent détruire la SOLIDARITE entre générations.
Nicole 30.03.2013
Je suis à la retraite depuis 15 mois et je trouve ridicule que l'on me souhaite "une retraite bien méritée". J'ai perdu mes repères, je n'ai presque plus de contacts avec mes anciennes collègues et j'ai essayé de retrouver du travail sans succès. Je voulais en trouver non seulement pour gagner un complément de retraite, mais pour avoir des contacts. On ne peut pas sans cesse voyager, sortir, aller au cinéma.
C'est bien de pouvoir organiser son temps librement mais lorsque l'on a été habitué à courir après le temps pendant 42 ans, cela fait tout drôle. De plus, les amis ne sont pas toujours disponibles au même moment que nous donc je fais pas mal d'activités toute seule, ce qui n'est pas drôle non plus. En résumé, il vaut mieux prendre une retraite progressive et travailler à mi-temps le plus longtemps possible.
Delavallée Annie 29.03.2013
En écoutant votre reportage je mets un complément à mon commentaire.
Ma retraite n'est pas très importante mais suffisante et je ne me considère pas comme une privilégiée. Je pense que ceux qui ont des petites retraites sont victimes de l'injustice sociale.
Je ne suis pas d'accord pour orienter nos mentalités dans le sens de s'habituer à des retraites si minimes qu'il serait normal de travailler plus longtemps ou de retravailler. Je comprends très bien que l'on veuille rester actif mais il ne s'agit pas que de cela.
Votre reportage mériterait d'être complété par une enquête sur ce qu'apporte de positif à notre économie l'activité des retraités bénévoles ou non.
Arrêtons de nous culpabiliser. Mais surtout, nous pouvons choisir de changer de système politique.
Il est intolérable de regarder les plus jeunes stoppés au seuil de leur avenir par le chômage! Assez de nous diviser, nous avons, toutes générations confondues, les mêmes intérêts. Avant la loi Nixon , puis la loi Fabius en France, la finance était encadrée par le pouvoir politique par des lois.
Ce que l'homme fait, il peut toujours le défaire.
Changeons ces lois qui donnent trop de pouvoir à la finance et revenons à la valeur concrète du travail contre la valeur de la bulle financière qui crée le chômage et détruit nos entreprises pour le seul profit de quelques uns !!!
jpt59 28.03.2013
Bonjour à tous,
Platon et Sénèque considéraient que travailler était perdre son temps. J'ai travaillé pour valider tous mes trimestres, soit 40 ans et demi. Aujourd'hui, retraité, j'ai assez perdu de temps. Je ne veux plus travailler.
JP
Delavallée Annie 27.03.2013
Je suis retraitée depuis 8 ans.
J'étais une jeune retraitée puisque j'ai pris ma retraite à 55 ans.
Je n'ai jamais envisagé de retravailler d'abord parce que j'ai mis 2 ans avant de me sentir "reposée" et ensuite parce que durant ma vie professionnelle j'étais très active au-delà de mes seules heures de travail.
Enseignante j'ai fait de la recherche pédagogique, citoyenne engagée j'ai milité dans un syndicat et dans un parti politique.
Je suis mariée et j'ai 2 enfants .
Aujourd'hui, je suis une femme très active, toujours très engagée mais différemment et surtout j'apprécie beaucoup d'être disponible c'est à dire de pouvoir organiser mon emploi du temps de telle sorte qu'il y ai de l'espace pour l'imprévu sans difficulté d'organisation. Donc vous comprenez que je refuse l'hyperactivité je prends le temps.
Ce que je ne pouvais pas faire avant.
J'ai mené ma vie au travail et ma vie personnelle au plus près de mes désirs quand j'étais en activité, je n'ai donc pas de frustrations à compenser. Voilà.
le 'ti ieux 29.03.2013
Je suis parti en retraite au tout premier jour de ce siècle, croyant raisonablement que mes moyens de subsistance ne régresseraient pas trop vite.
Je me croyais au XXIème siècle ou le progrès social pouvait suivre d'assez près celui technologique, mais la situation actuelle est identique au Moyen-âge où les gueux allaient manger la soupe "populaire" après leur journée de travail dans des manufactures.
Pour exemple, l'impossible disparition des RESTOS DU COEUR, organisation qui a besoin de trois fois plus de moyens qu'à sa création ! NON seulement, j'ai perdu un pouvoir d'achat notable, mais aussi le montant numérique a été amputé de divers prélèvements supplémentaires.
D'une retraite décente, parce que j'avais un toit, je passe à un comportement sur mes gardes. COMMENT peuvent faire ceux qui sont au MINIMUM SOCIAL ou guère plus ???? La richesse se crée mais ne se partage pas !!!!
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