En novembre 2004, la ville de Lens est choisie pour accueillir l'antenne du Louvre. La capitale du bassin minier est économiquement sinistrée, et espère que l'implantation du musée, au nom si prestigieux, donnera du travail aux habitants. Aux "jeunes".
Mais dans la population, on souhaite également que le Louvre aide à changer l'image négative de la région, symbolisée en 2008 par une banderole insultante déployée lors d'un match de football au Stade de France : "Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch'tis".
Des clichés que les Lensois voient comme un manque de reconnaissance pour leur région, qui a été au cœur du développement industriel de la France, grâce à l'exploitation des mines de charbon.
Sur le plan touristique, Lens "part de loin"
La première retombée espérée est touristique. Le Louvre-Lens table sur 700 000 visiteurs la première puis 500 000 en rythme de "croisière" .
Mais il faut pouvoir nourrir et loger une partie des visiteurs. Et, pourquoi pas, réussir à leur faire visiter quelques sites aux alentours.
L'office de tourisme de la ville est très récent. Il a été ouvert en 1998 pour la Coupe du Monde de football. C'était une obligation inscrite dans le cahier des charges pour pouvoir accueillir des matchs au stade Bollaert.
La ville ne dispose pas de monuments anciens, puisque tout a été rasé lors de la guerre de 1914-1918. Sur son site internet, l'office met en avant le Louvre, le bassin minier, les chemins de mémoire de la Grande Guerre, et le Club de foot.
Marlène Virey, la chargée de promotion, porte un regard très lucide sur le potentiel de l'agglomération : "On n'est pas reconnu comme une destination touristique. On ne va pas se mentir, aujourd'hui, il y a encore peu de personnes qui se disent : 'tiens pour ce week-end je vais me faire une excursion à Lens' ".
Mais elle espère un changement avec le Louvre, notamment avec la montée en puissance de l'offre hôtelière sur la ville. Aujourd'hui, Lens compte six hôtels, dont trois sont accessibles à pied depuis le site du Louvre :
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Aujourd'hui la ville de Lens n'est pas assez bien dotée pour répondre à elle seule à la demande touristique (hôtellerie et restauration).
Une étude commandée par la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Ville concluait : 'la majorité des établissements sont vieillissants, pas de véritable restauration typique et l'offre est peu variée pour les établissements de restauration à proximité immédiate " du Louvre. En effet, sur les 28 "restaurants" à moins de 20 minutes du musée, 10 proposent de la restauration rapide, et 10 autres sont des bars-brasseries.
Le constant est identique pour les hôtels de l'agglomération. L'offre (20 établissements, 992 chambres) n'est pas ridicule mais l'étude préconise un travail sur la qualité du parc_"vieillissant et non adapté aux attentes actuelles de la clientèle"_. 11 sont notés "sans étoile"* ou "une étoile" .
Mais le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie Artois nuance ces conclusions. Edouard Magnaval explique qu'il n'y a pas besoin de loger tous les visiteurs du musée puisque la majorité devrait être originaire de la région Nord Pas de Calais. Un tiers "seulement" est attendu de l'étranger (Royaume Uni, Belgique, Allemagne). Ce qui accentue le risque que la ville de Lens soit simplement l'objet d'excursions pendant la journée et non pas de destination à part entière.
Les projets_"vont arriver"_ ajoute, confiant, le président de la CCI. Ce serait une simple question de temps, et de patience:
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Le Louvre Lens sera donc l'occasion de développer l'offre hôtelière, mais les responsables politiques et économiques veulent se saisir de cette opportunité pour développer tout le bassin lensois peuplé de 500 000 habitants. Ils comptent aussi sur le classement en juillet dernier du bassin minier du Pas de Calais au patrimoine au patrimoine mondial de l'humanité.
Tous les acteurs de la reconversion de la région sont regroupés au sein d'Euralens. L'association a retenu cinq domaines dans lesquels elle veut se spécialiser. Comme par exemple la culture dans le monde numérique.
Bernard Masset le délégué général d'Euralens nous dresse le portait espéré de la région de Lens d'ici une dizaine d'année :
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Les acteurs politiques et économiques aimeraient donner au Louvre Lens la même direction que celle prise par le Centre Pompidou Metz. Ouvert en 2010, le musée a été la première délocalisation en Province d'un grand musée parisien.
Et l'opération est une réussite totale : en 2001, le Centre Pompidou a atteint sa vitesse de croisière, notamment grâce aux grandes expositions proposées au public. 900 000 visiteurs en 14 mois pour l'inauguration inaugurale. Et en 2012, déjà 200 000 curieux pour l'exposition "1917" .
Des visiteurs venus à 89% de France, et qui ont dépensé en moyenne 104 euros lors de leur passage. Les chiffres donnés par la CCI de Moselle ont fait rougir les Lensois.
La Chambre de Commerce parle de 71 millions d'euros de retombées, et confirme que tous les indicateurs touristiques sont au vert : hôtels, gîtes, restauration.
Une euphorie tempérée par le directeur du Centre Pompidou Metz : Laurent Le Bon explique qu'il ne faut pas trop attendre des délocalisations de grands musées Nationaux. Il est interrogé par Xavier Martinet pour le Journal de la Culture (Le RenDez-Vous) :
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"D'un beau projet à la catastrophe" ?
Malgré les signaux positifs envoyés, on ne peut pas dire que le modèle économique choisi pour la construction puis le fonctionnement du Louvre fasse l'unanimité des élus locaux de la CALL (Communauté d'Agglomération Lens Liévin).
Quelques rappels sur la composition politique lcoale. La CALL est composée de 36 communes, toutes classées à gauche.
Historiquement, la droite a toujours été très faible sur le bassin minier, sauf lors de la dernière élection présidentielle: la candidate du Front National a enregistré des scores dépassant parfois les 30% au premier tour.
Sur le projet du Louvre Lens, les critiques sont portées par des élus UMP et également par des communistes.
Parmi les 38 élus du conseil municipal de Liévin, Frédéric Lamand est le seul membre de l'UMP.
Il regrette que l'accompagnement du projet du Louvre n'ait pas été plus ambitieux et s'inquiète de l'absence de projets déjà finalisés. Un manque d'ambition qui explique le peu d'enthousiasme parmi les habitants : "très peu de gens savent que le président de la République va venir faire l'inauguration". Frédéric Lamand dénonce le manque de volonté :"C'est politique. C'est juste pour se faire réélire plus facilement. S'il y a des gens qui s'en sortent, ils [les élus de gauche] ont peur de perdre un électorat" :
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A la mairie de Grenay, l'une des communes de l'agglomération, le maire communiste ne porte pas du tout les mêmes arguments. Christian Champiré dénonce plutôt l'effort demandé aux collectivités locales pour construire et faire fonctionner le musée. Et surtout, "l'absence" d'effort financier de l’État.
Les 150 millions d'euros du projet ont été financés par la région à hauteur de 59%, par des budgets européens (20%), le département (6%), Lens et la communauté d'agglomération (6%), le mécénat privé (5%) et l'Etat pour 4%.
Une fois ouvert, le Louvre-Lens fonctionnera avec un budget estimé de huit millions d'euros, auquel l'Etat ne participera pas.
Une absence qui agace Christian Champiré : "l'Etat pourrait prendre en compte la difficulté de ces populations, et le Louvre recevra d'autant plus facilement accueilli qu'on aura le sentiment que tout le monde fait un effort et pas seulement les gens de la région" :
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Ces critiques de la droite et de la gauche agacent beaucoup le député-maire de Lens, Guy Delcourt qui rappelle que "Lens est la ville la plus pauvre dans sa strate" , et que le Louvre représente un "miracle" pour la région. Il donne rendez-vous à ses détracteurs dans cinq ou dix ans, car pour lui : "les sceptiques ou les pessimistes c'est de l'électoralisme à l'état pur" :
Voici vos contributions au sujet sur Twitter :
Le Louvre des Lensois
Au-delà des querelles qui touchent à la forme du projet, le musée devra relever le défi de s'intégrer au sein de la population. Et que les habitants s'approprient ce musée. Les musées ne sont pas nombreux autour aux alentours de Lens. Pourtant c'est une région d'histoire, et de culture. La culture du bassin minier, qui n'est pas celle des musées comme le Louvre.
Depuis 2004, le musée parisien propose donc des cours d'initiation aux volontaires, et c'est un succès avec en moyenne 450 "élèves" par session. Parmi la vingtaine de villes françaises à profiter de ces cours, Lens est celle où le succès de l'opération est le plus important.
Marlène Virey de l'office de tourisme est confiante pour la suite, même si elle reconnaît qu'il s'agit plus d'une *culture "ouvrière dont les loisirs étaient régis par la Compagnie des mines. (…) En ce qui concerne les arts plastiques c'était moins poussé" :
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Alfred est l'un de ces ouvriers, qui a passé sa vie à Lens. Il se souvient de l'évolution de son quartier. "Ici il y avait un camp [militaire allemand, dans les années 40] avec un mirador" se souvient le retraité.
Malgré les désagréments des travaux, il est très content de la présence du Louvre, mais c'est plutôt une bonne nouvelle pour "les jeunes" :
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Le maire Guy Delcourt compte beaucoup sur la jeune génération . Il existe que les habitants de sa génération (sexagénaire) n'ont pas été éduqué à la culture, mais il mise sur les jeunes les enfants, qui seront "les ambassadeurs du Louvre" :
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Le Samedi 1er décembre, dans l'émission Une Fois pour toutes "Dominique Souchier recevait le président-directeur du musée du Louvre, Henri Loyrette.
La vidéo d'annonce de l'ouverture du musée "Tous à Lens ' :
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