Musées : quelle médiation pour les jeunes ?

Voyage sonore d'une classe au Centre Georges Pompidou
Voyage sonore d'une classe au Centre Georges Pompidou ©Radio France - Marie-Alix Autet
Voyage sonore d'une classe au Centre Georges Pompidou ©Radio France - Marie-Alix Autet
Voyage sonore d'une classe au Centre Georges Pompidou ©Radio France - Marie-Alix Autet
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A la veille de la Nuit des musées, quid de leurs rapports avec les jeunes générations ? Et avec quels intermédiaires ? Plutôt guide-conférencier et ateliers ou smartphone et réalité augmentée ? Un reportage de Marie-Alix Autet complété par vos réactions.

Comment attirer le jeune public dans les musées ? Quelle médiation privilégier ? La gratuité est-elle si déterminante ? Nous vous avons posé ces questions sur les réseaux sociaux. Voici vos très nombreuses réactions :

Qu’elle y soit amenée par le milieu scolaire ou familial, la jeune génération est aujourd’hui globalement initiée à la pratique muséale. Comme vous avez été nombreux à nous le dire, les ateliers pédagogiques proposés dans les musées sont l’un des principaux vecteurs de cette pratique. C’est donc sur cette piste que nous nous sommes lancés en premier lieu : direction le Centre Pompidou, en plein cœur de Paris, afin de suivre une classe de petite section du 13e arrondissement en "voyage sonore" à Beaubourg. Passez votre souris sur la photo, et cliquez sur les différentes pastilles pour suivre cette visite :

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C’est donc par la médiation humaine que se fait généralement le premier contact de l’enfant avec le musée. Delphine Coffin, l'animatrice-conférencière du Centre Pompidou qui a mené cette visite, propose également des ateliers dans des écoles, avec l’association Art Mobile. L’objectif étant de sensibiliser l’enfant à l’art et à la culture, et ce de façon transversale par rapport à son parcours scolaire.

Une sensibilisation que prône également le gouvernement : depuis 2013, la Nuit des musées est l’occasion de mettre en étroite collaboration classes et musées, par le biais d’une opération baptisée "La classe, l’œuvre !", pilotée par les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale. Marie-Christine Labourette, directrice des musées de France, détaille ce dispositif et ses enjeux :

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La classe, l'oeuvre ! Le portrait d'un chasseur, d'Adriaen van Nieulandt, vu par des enfants de l'école Moïse Lévy, de Gray
La classe, l'oeuvre ! Le portrait d'un chasseur, d'Adriaen van Nieulandt, vu par des enfants de l'école Moïse Lévy, de Gray

Hors milieu scolaire, la pratique muséale est aussi et surtout intimement lié à la sphère familiale. Le musée est en effet un très fort lieu de transmission, explique Sylvie Octobre, sociologue au département des études et prospectives du ministère de la Culture :

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Focus sur le MuCEM de Marseille_ _

Faire du jeune un guide culturel et donc construire la médiation autour de lui, c'est l'idée du MuCEM de Marseille pour la Nuit des musées. Jean-François Chougnet en est le président :

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Pour cette soirée, plusieurs partenariats pédagogiques sont également noués avec des universités et écoles de la ville. Ainsi, les élèves du Satis – pour Sciences, arts et techniques de l’image et du son – de l’université d’Aix-Marseille ont été sollicités pour créer cinq bandes sonores diffusés pendant le parcours de l’exposition Lieux saints partagés , en entrée libre ce samedi jusqu’à 22h. Des créations s’appuyant à la fois sur de vraies archives sonores et sur de la fiction, qui complètent et enrichissent l’observation des œuvres présentées.

Cette exposition a donné lieu à un second partenariat avec le département Ingémédia de l’université du Sud à Toulon, et dont découlent deux dispositifs : le premier est un personnage fictif, Mia, jeune étudiante marseillaise en arts, qui part effectuer un périple de six semaines à travers tout le bassin méditerranéen à la découverte de ces lieux saints partagés. Le récit de ce voyage par cette identité numérique créée de toutes pièces pour la Nuit des musées a ainsi été partagé en temps réel sur les réseaux sociaux, via le mot-dièse #MiaMedTour2015.

Le MuCEM de Marseille, conçu par l'architecte Rudy Ricciotti.
Le MuCEM de Marseille, conçu par l'architecte Rudy Ricciotti.
© Radio France - Lisa Ricciotti

Mais le jeune public est, par essence, un public volatile. D’autant que la dimension de plaisir joue un rôle déterminant dans la consommation de loisirs culturels : ainsi, le musée subit à la fois la concurrence directe du cinéma, très prisé des 18-26 ans, et de la bibliothèque, autre lieu faisant partie intégrante des pratiques culturelles des jeunes. Curieux de tout ce qui est à leur portée, il faut sans cesse, comme le dit Sylvie Octobre, les reconquérir pour leur faire pousser la porte d’un musée :

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La médiation virtuelle en question

Avec l’explosion des nouvelles technologies, ces dernières années ont apporté leur lot d’innovations en termes de médiation culturelle. Le virtuel est devenu un enjeu très fort de cette médiation, sous toutes ses formes possibles et imaginables.

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La plus remarquable d’entre elle étant très certainement la réalité augmentée, qui permet, entre autres, une modélisation en 2D ou 3D d’un objet que l’on a sous les yeux, par le biais numérique d’un smartphone, d’une tablette, ou encore de lunettes connectées.

La réalité augmentée est donc un moyen d'apporter des informations supplémentaires à l’utilisateur, et peut également, comme dans le cas des serious game, le placer dans une position active et non plus passive devant l'oeuvre.

Le serious game à l'assaut des musées

La réalité augmentée, c’est le pari qu’ont fait Ari Bouaniche et Angeline Perrot, deux des concepteurs d’ History Reload, un serious game, c’est-à-dire une application conçue comme un jeu vidéo. Elle propose une visite ludique du Musée national de la Renaissance d’Ecouen, qui a accepté d’accueillir ce projet étudiant, issu du master Création édition numérique de l'université Paris 8. Dès les grilles d’entrée, le visiteur est invité à se servir de son smartphone comme outil de médiation afin de suivre un parcours propre dans le musée, de façon ludique et enrichie.

History Reload nous fait donc suivre les aventures d’Esther et Thibault, deux personnages fictifs issus de l’univers steampunk, qui ont eu un accident avec leur machine à voyager le temps : résultat, ils s’écrasent à Ecouen, au XVIe siècle, et vont devoir s’adapter à la vie courante du château le temps de réparer leur machine et de repartir. Pour ce faire, ils doivent compléter des quêtes et interagir avec de véritables personnages historiques, un défi pour Angeline Perrot, scénariste d’History Reload :

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De plus, les potentialités du serious game permettent d’apprendre autrement : mêlant pédagogie de l’action et dimension de jeu, la diffusion de la culture se fait sans le côté scolaire voire parfois rébarbatif de l’apprentissage classique. En d’autres termes, il s’agit ni plus ni moins que d’apprendre en s’amusant. Un plus pour attirer le jeune public selon Ari Bouaniche :

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Cette complémentarité entre médiation virtuelle et réalité, on la retrouve dans le discours de Jean-François Chougnet, président du MuCEM de Marseille. S’il considère que les musées "doivent être de leur temps" et "ne peuvent pas passer à côté de la palette des supports, des techniques, des moyens d’aujourd’hui", il note également que ce serait "une erreur de vouloir faire un copier-coller de ce qu’est le musée sous une forme numérique"  : il faut au contraire "inventer des choses complémentaires de ce que le musée est capable d’offrir".

C’est également ce que pense Marie-Christine Labourette, directrice des musées de France, qui ajoute que cette médiation virtuelle se traduit souvent par un apport "soit avant la visite, soit après celle-ci" . "Le virtuel, qui est un appui, un renforcement au traitement de la curiosité légitime sur les œuvres, n’empêche absolument pas, au contraire même, l’appétit et la volonté d’un contact direct avec les œuvres originales", ce qu’elle estime être une victoire.

Ce n’est pas parce que vous voyez une belle œuvre sur votre écran, fusse-t-elle grossie X fois avec une quantité de pixels formidables pour une résolution parfaite, que cela ne vous donne pas envie de vous frotter au contact direct de l’œuvre. Je pense que c’est la différence fondamentale entre la vraie vie et le virtuel. (Marie-Christine Labourette)

Des regards synthétisés par Sylvie Octobre, pour qui la passion est ce qui fonctionne le mieux en termes de transmission culturelle. Ce que l’outil numérique, si puissant soit-il, ne saurait apporter :

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Quid du coût d'une sortie au musée ?

La gratuité dans les musées est effective pour les moins de 26 ans, mais uniquement sur les collections permanentes.
La gratuité dans les musées est effective pour les moins de 26 ans, mais uniquement sur les collections permanentes.

Cela a donné lieu à un véritable débat entre vous sur les réseaux sociaux, comme vous pouvez le constater plus haut, dans notre diaporama.

Si le Code du patrimoine définit la gratuité pour les jeunes, selon leur âge et selon le type de musée - privé ou public - elle ne concerne en revanche que les collections permanentes.

C’est ce qu’indique Marie-Christine Labourette, qui précise également où se situe la France à ce niveau dans la moyenne européenne :

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C’est pour cela aussi que beaucoup de musées ont mis en place des cartes jeunes, qui proposent à la fois des tarifications réduites, mais aussi et surtout une programmation ciblée. Le but, c'est d’essayer, tout d’abord, de donner des pistes aux ados pour rentrer dans le musée, et ainsi créer une plus grande proximité entre celui-ci et les jeunes générations.

Une fois cette proximité mise en place, une relation d’intimité plus grande peut alors se créer avec le musée et continuer à grandir tout au cours de la vie. Pour que ce jeune public puisse, à son tour, transmettre le goût des musées à leurs enfants.

> Écoutez aussi "Du médiatique au numérique : 3 générations de jeunes face à la culture". Dans son émission, La Suite dans les idées, Sylvain Bourmeau recevait fin avril Sylvie Octobre.

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