Avant la Nuit blanche et la FIAC,et en pleine Biennale de Lyon,comment les Français appréhendent-ils l'art contemporain? Enquête d'Eric Chaverou après une nouvelle dégradation d'une oeuvre d'Anish Kapoor à Versailles,et que les députés ont inscrit dans la loi la « liberté de la création artistique »
L'art contemporain passionne toujours autant ! Il suffit de lire vos dizaines de réactions et de conversations pour saisir tout ce qu'il peut déclencher autour de sa définition, de la valeur d'un artiste ou d'une oeuvre, ou encore de ce que le marché de l'art et sa médiatisation peuvent générer. Lisez ces témoignages, souvent étayés :
« C’est du design et pas de l’art » est l’une de ces affirmations, au sujet d'une installation d'escargots, de grenouilles et de suricates géants au pied de la Cathédrale du Mans. Installation du collectif italien Cracking art group. Des animaux aux couleurs vives symboles notamment de la lenteur face à un monde trop rapide ou d'une veille en groupe. Et déjà victimes de plusieurs vols semble-t-il crapuleux.
Écoutez dans l'image interactive ce qu'en pensent certains passants, ainsi que le point de vue de l'adjointe au maire à la Culture, Agnès Besnard, très intéressée par l'art contemporain mais pas encore jusqu'à réellement vouloir d'oeuvre pérenne en ville, et le récit de Patrick Bounie, du Mans arts contemporains, à l’œuvre depuis près de 10 ans. Passez votre souris sur la photo, et cliquez sur les pastilles au bas de l'image :
Quand on a tendance à crier très fort en parlant de l'art contemporain, finalement, les gens sourds n'entendront pas mieux !
L’art contemporain pour tous, le sociologue Alain Quemin n’y croit pas.
Études à l’appui, le professeur de sociologie de l'art à Paris VIII souligne l’importance de l’éducation et des diplômes pour s’y intéresser.
Et si les politiques publiques lancées dans les années 80 ont eu selon lui quelques effets, en particulier via les FRAC, les Fonds régionaux, l’éducation à ce type d'art peine toujours, contrairement à ce qui se passe en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
Il considère que « l'art contemporain n'est pas une priorité pour tout le monde, clairement, comme la culture. Et l'art contemporain conserve une image un peu élitiste et c'est probablement, en partie, une des raisons qui fait qu'il n'est pas facilement accepté par les gens qui en sont les plus éloignés. »
Et d'évoquer aussi l'importance de mouvements nés au moment notamment du débat sur le mariage pour tous, avec une certaine forme de conservatisme du public :
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8 min
Impossible malheureusement de bénéficier de repères officiels récents. Mais selon le ministère de la Culture, les Français n’ont pas changé d’habitude entre 1997 et 2008 : 15% d'entre eux visitent une fois par an une galerie et 9% seulement se rendent dans un musée d’art contemporain, ou moderne !
Et dans un sondage BVA de 2010 pour le Journal des arts, la moitié des personnes interrogées disent avoir de la curiosité, mais un tiers exprime de l’indifférence et 15 % de l’incompréhension.
Une armada de médiations
Pour autant, de nouveaux lieux ouvrent, comme la Fondation Vuitton ou la galerie Gagosian, au Bourget, et de nouvelles médiations se multiplient. A la Monnaie de Paris par exemple, scène des plus récentes, Pauline Lavogez est là pour expliquer au visiteur qu’il peut s’emparer d’une partie des œuvres pour les construire ! Car l’exposition s’appelle "Take me (I'm yours), prends moi, je suis à toi, un remake d'une exposition londonienne de 1995. Écoutez cette jeune médiatrice ci-dessous, ainsi que Chiara Parisi, la directrice des programmes culturels de l'endroit, Aurore Cyrille, performeuse pour la performance de Paweł Althamer, et plusieurs visiteurs.
Là aussi, passez votre souris sur la photo, et cliquez sur les pastilles ;)
Et écoutez aussi Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist à propos de cette exposition. Ils étaient les invités de "La Grande table", de Caroline Broué, la semaine dernière.
Une permanence publique de la directrice au milieu du Centre d'art !
A Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, Émilie Renard, la directrice du Centre d’art contemporain "La Galerie" vient elle d’instituer un rendez vous hebdomadaire à un bureau au beau milieu de son exposition du moment.
Une permanence de trois heures tous les lundis, à raison de rendez-vous de 40 minutes, pour « incarner très physiquement mes missions de rencontrer tous azimuts et les artistes et les habitants et le public, et leur consacrer un temps d'écoute, d'échange et de dialogue. »
Un dispositif qui en rejoint beaucoup d'autres, dans un contexte de budget à la baisse pour cette vaste demeure bourgeoise du XIXe qui contraste avec son environnement :
Rendez-vous aussi au Mac/Val, pour découvrir son art de conquérir un public
Une galerie comme à la maison, après un choix en ligne
Enfin, autre rendez-vous, à domicile cette fois, avec Amélie du Chalard. Elle a lancé au printemps Zeuxis, un site proposant 800 œuvres d'art contemporain abstrait en ligne, de 200 à 6.000 euros. Essentiellement pour l'instant 27 artistes français. Et elle invite les personnes intéressées chez elle pour découvrir les pièces dans un chic appartement haussmannien : peintures, sculptures, gravures, mobiles.
Elle parle d'art room comme d'une sorte d'appartement témoin pour prendre contact avec une oeuvre dans un cadre quotidien. Avec à la clé selon elle un taux de conversion à l'achat alors de 98%, et pour les artistes une commission de 20 à 30%, contre 50% en galerie. Et la maîtresse des lieux propose également ses services à de jeunes mariés par l'intermédiaire d'un site de listes de mariage. Pour Amélie du Chalard, il s'agit de faciliter l'accès à l'art contemporain, avec l'idée de multiplier ces appartements en régions. Mais sans pour autant concurrencer les galeries selon celle qui estime être complémentaire. Car 80% de ses clients ne seraient pas des collectionneurs. :
Amélie du Chalard, fondatrice de Zeuxis, explique sa démarche auprès du grand public
9 min
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