Où en est la contestation anti Front national en PACA?

France Culture
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Vingt ans après les premières villes FN‬ et les fortes mobilisations qui les avaient accompagnées, la région PACA‬ est devenue une terre d'ancrage du Front national ou de ses idées, avec la Ligue du Sud. Mais après l'élection de nouveaux maires frontistes ou aux idées proches, de nouveaux collectifs citoyens tentent de reprendre le flambeau d'une contestation qui avait faibli ces dernières années. Reportage de Christine Moncla, avec le concours d'Eric Chaverou et vos témoignages venus des réseaux sociaux.
"Dès lors qu'il y a une autre pensée que la leur, on nous fout dehors".Le temps du choc est passé : désormais, Olivier Isselin n'hésite plus à afficher son opposition à la mairie Front national de Fréjus.

Artiste photographe, il tenait l'un des ateliers du circuit des métiers d'art du centre ville de Fréjus.

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Avant l'été, le jeune maire FN, David Rachline, a demandé aux artistes de dispenser des cours aux enfants en échange de leur local.

Olivier Isselin et quelques autres ont refusé de travailler gratuitement pour la ville, et se sont fait expulser. L'artiste photographe confie aussi qu'avoir parlé à la presse y a participé.

Nous l'avons rencontré devant son ancien atelier vide. Comme cinq autres dans le centre ville. Et là où quelqu'un a dessiné une femme qui pleure indiquant "avant un artiste ici" :

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Le FN au pouvoir, c'est la mainmise sur tout.

Forum Républicain de Fréjus
Forum Républicain de Fréjus

Au lendemain des élections municipales de 2014, 11 villes sont remportées par le Front national. Des comités de vigilance se mettent en place.

Institutrice, Marie-José de Azevedo co dirige l'antenne fréjussienne, le " Forum républicain". Son rôle ? Surveiller l'action municipale.

Pendant la campagne des régionales, ces comités vont fournir aux autres partis politiques des contre-argumentaires au programme du Front national.

Et le Forum républicain de Fréjus vient de publier son bilan de 18 mois de Front national dans la ville, après avoir organisé une fête de l'Europe, là où le maire a fait retirer le drapeau étoilé sitôt élu :

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Il faut rediaboliser le FN.

Nathalie Baux, du Pontet
Nathalie Baux, du Pontet
© Radio France - Christine Moncla

Au Pontet, près d'Avignon, le maire Front national a été élu au premier tour en 2014. Sur environ 6.000 inscrits, la moitié ont choisi ce vote. Dans cette petite commune bordée de résidences HLM, aucun comité de vigilance n'a encore vu le jour.

Nathalie Baux essaie de monter un antenne locale, mais faute de volontaires, l'initiative est toujours en stand by.

Pour elle, il faut "éduquer les gens sur ce qu'est véritablement le Front national, sur quelles bases il a été construit. Déconstruit le discours, carrément. Point par point." :

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Et puis il y a ceux qui essaient d'anticiper : dans les Alpes-Maritimes, plusieurs villes sont "FN émergentes". Le département est bien ancré à droite.

Dans le pays de Grasse, au nord de Cannes, un groupe de citoyens de tous bords politiques s'est constitué en collectif : " défendons la démocratie et les valeurs de la République". Une page Facebook recense les accointances des maires du canton avec l'extrême droite.

Marion Maréchal-Le Pen s'en amuse

Réunion politique de Marion Maréchal-Le Pen à Aix en Provence, le 12 novembre 2015
Réunion politique de Marion Maréchal-Le Pen à Aix en Provence, le 12 novembre 2015
© Maxppp - Nicolas Vallauri

Candidate Front national face notamment à Christian Estrosi (Les Républicains) et à Christophe Castaner (PS), Marion Maréchal-Le Pen nous a elle déclaré : "Cela m'amuse beaucoup quand on voit les profils hystérico militants de ces gens la plupart du temps. Moi, je suis pour une opposition, je trouve que c'est quand même la condition de la démocratie. Mais dans ces conditions, cela m'apparaît problématique puisque sincèrement, sur le fond, la vérité, et c'est ce qui les énerve, c'est que nos bilans des mairies sont positifs." :

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Et vous, comment réagissez-vous ?

Carte réalisée par Camille Renard

Pour bien comprendre l'implantation régional du parti de Marine Le Pen, nous avons interrogé Marie-Ange Grégory, politologue spécialiste du gouvernement local. Cette enseignante à l'Université de Nice Sophia Antipolis nous a précisé le poids électoral des six départements de PACA : les Bouches du Rhône représentent 40% des électeurs, le Var 22%, les Alpes-Maritimes 18%, le Vaucluse 15%, les Alpes de Haute-Provence 3% et les Hautes-Alpes 2%.

On constate que les trois départements qui pèsent le plus sont ceux qui ont des élus FN.

Et Marie-Ange Grégory d'ajouter que "l'on a pas le même rapport à la politique en ville, à la campagne ou en tout cas dans ce que l'on appelle maintenant le périurbain. On a pas non plus le même rapport aux autres, et donc forcément cela se retrouve dans les urnes." :

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Quelle alternative politique ? En PACA, seul le département des Hautes-Alpes affiche des scores FN inférieurs à la moyenne régionale, autour de 10-12%. Un département plus rural, qui ne pèse que 2% de l'électorat de la région (contre 42% pour les Bouches-du-Rhône, ou 18% pour les Alpes-Maritimes). C'est ici que Marion Maréchal-Le Pen s'était fait chahuter, en marge d'un meeting en début de campagne, à Guillestre, une ville écologiste.

Dans les Alpes-Maritimes, une seule ville est verte : Mouans-Sartoux, également dans le pays de Grasse. Le maire écologiste historique, André Aschieri, a été élu et réélu avec des scores allant jusqu'a 80% depuis plus de 30 ans.

Pierre Aschieri, maire écologiste de Mouans-Sartoux
Pierre Aschieri, maire écologiste de Mouans-Sartoux
© Radio France - Christine Moncla

Et son fils Pierre a repris le flambeau du combat familial pour "l'écologie pratique". Ici aussi, le FN fait de bons scores aux élections nationales. Mais aux municipales, il ne présente aucun candidat.

Pierre Aschieri considère que "les communes peuvent remplir le vide qu'occupe le FN". "Eux, pour ce que j'en sais, c'est une position politique de faille ou d'absence. C'est à dire que là où la politique classique fait défaut, est absente, ils s'infiltrent. Je ne vois pas trop où ils pourraient venir nous embêter."

Ecoutez le maire écologiste de Mouans-Sartoux, Pierre Aschieri :

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On croyait qu'ils ne reviendraient plus. Il y a vingt ans, intellectuels, artistes, associations de gauche avaient les yeux rivés sur quatre villes du sud qui venaient de tomber aux mains du FN : Orange, Marignane, Vitrolles et Toulon.Le journaliste et écrivain Guy Konopnicki avait tourné à Vitrolles un film clandestin, " Bienvenue à Vitrolles", qui avait rassemblé pour sa projection des centaines de personnes. Un évenement. Aujourd'hui, on le voit, la parole d'opposition a du mal à exister :

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Il n'y a pas de mobilisation parce qu'il n'y a pas d'offre alternative.

La politologue Virginie Martin
La politologue Virginie Martin
© Radio France

La politologue Virginie Martin explique encore autrement la timidité de l'opposition au Front national aujourd'hui. Pour la présidente du Think Tank Different, il peut y avoir une "peur d'affronter cette bête là".

D'autant plus en PACA, "lieu des mafias, des clientélismes politiques. Il y a une sorte de violence, de dissuasion, si je puis dire. Et d'intimidation. Donc s'attaquer au FN, et même à la chose politique dans cette région n'est pas simple. Beaucoup de partis le disent. Quand on leur demande pourquoi vous n'envoyez pas d'énormes ténors en PACA ? Ils vous répondent souvent, mais parce que là-bas, c'est impénétrable. On ne sait pas trop comment faire. On n'a pas le mode d'emploi. Et pour les citoyens, c'est pareil".

Et "dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a quand même une culture militante, syndicale plus forte. Qu'il n'y a plus du tout en Provence Alpes Côte d'Azur. Même s'il reste évidemment l'arsenal de Toulon, mais c'est minime" :

Avec enfin "une apathie politique structurelle et une banalisation de la présence du FN et de ses idées sur le sol de PACA, pour une offre alternative qui manque" :

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> Ecoutez aussi le Magazine de la rédaction " Régionales en PACA : la droite déboussolée"

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