Investir dans les énergies renouvelables, produire sa propre énergie et participer à un projet local, c’est ce que proposent les coopératives de production d'énergie verte. Dans les Ardennes, le projet éolien citoyen "Les Ailes des crêtes" permet aux habitants de se réapproprier la question énergétique sur leur territoire. Reportage de Catherine Petillon, avec vos réactions.

Les fondations ont déjà été posées et recouvertes. Reste à installer les mâts et le câblage. Si tout se passe bien, les trois éoliennes devraient entrer en action en janvier prochain. Ici, au coeur des Ardennes, ce ne sont pas les éoliennes qui manquent. Mais ce parc, ce sont les acteurs du territoire qui l'ont voulu et surtout, qui le détiennent.** Les Ailes des crêtes est un projet de parc éolien citoyen ** : les habitants se sont organisés pour devenir propriétaires de cette source d'énergie verte, c'est-à-dire pour que plus de 50 % du capital leur appartiennent.

S'approprier collectivement l'énergie
Depuis le site, à cheval sur les communes de Bouvellemont et Chagny, on aperçoit au loin d’immenses champs d’éoliennes. A l’orée des années 2000, le territoire, venteux et propice aux développement éolien, a vu débarquer en masse les investisseurs privés. Les parcs éoliens se sont développés à foison. "Dans la région, sont arrivés Gazprom, des fonds de pensions australiens et allemands, des coopératives suisses", liste Ingrid Julien, la coordonnatrice du projet les Ailes des crêtes. "Or dans ce modèle là, le bénéfice financier est faible - il se limite au produit de la fiscalité. Les dividendes, eux, repartent à l'étranger. Notre projet citoyen, c'est l'inverse : 100% du revenu revient dans le territoire ". L'objectif : s'approprier collectivement l'énergie pour mieux la maîtriser.

« La transition énergétique s'accompagne d'un transfert du capital vers les acteurs de territoires . », poursuit Ingrid Julien :
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Collecte citoyenne
Et le projet suscite l'adhésion : en moins d'un an, 1,1 million d'euros ont déjà été collectés . C'est un tiers du montant total du projet.

"Cela répond a une attente sociale d'appropriation de l'énergie ", estime Christel Sauvage, présidente de la coopérative Enercoop Ardennes Champagne, et de l'association Énergie partagée , qui soutient le projet.
Enercoop, outre les services de maîtrise d'énergie qu'elle propose, est un investisseur dans les moyens de production et un distributeur éthique d’énergie verte. L’énergie de l’une des éoliennes sera d'ailleurs vendue exclusivement à Enercoop.
Les citoyens - particuliers, collectivités, entreprises locales - peuvent investir soit en prenant des parts - à 100 euros - soit directement dans la SAS les Ailes des crêtes, soit via la coopérative d’Enercoop.
« On a l’une des densités les cinq plus faibles de France, le département est pauvre, et on arrive à collecter une telle somme, c’est extraordinaire », se réjouit Nicolas Poiret, maire de Warnécourt . Sa commune a acheté des parts ; surtout, il fait partie des "porte-parole", chargé de convaincre ses homologues de s'embarquer dans l'aventure. Ce qui l'a séduit, c'est "*le caractère innovant de la démarche. C'est aussi la possibilité d'avoir un territoire indépendant, et de s’approprier le vent qui souffle sur nos collines." *

C'est une petite révolution intellectuelle aussi que d'arrêter de prendre le kilowatt-heure tel qu’il est donné sans savoir comment il est produit
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Des retombées pour le territoire
Le succès de l'initiative s'inscrit dans un mouvement plus large en faveur de la relocalisation de l’économie. La formule de la coopérative d’énergie permet l’investissement local et les retombées économiques pour le territoire. Ce type d'initiatives est relativement neuf en France – une vingtaine de projets, portés par l’association Énergie partagée – se sont développés à travers le territoire, comme
Béganne, à Redon. Mais chez nos voisins européens - comme en Allemagne ou au Danemark, la formule est devenue monnaie courante.

En France, on n'est pas habitué, car la question de l'énergie a toujours été centralisée, mais chez nos voisins, on investit dans les moyens de production. C'est cela qu'on a voulu répliquer en y intégrant la dimension d'intérêt collectif. Il s'agit d'exploiter des biens communs, il faut donc un retour global à la société.
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Des citoyens qui poussent les élus à agir
"J'ai été l'un des premiers à rejoindre Enercoop ", se souvient Jean-Marie Oudart . Au dernier scrutin, il est devenu maire de Poix-Terron , l'un des villages de la communauté de communes des Crêtes préardennaises. Il a alors proposé à son conseil municipal de prendre des parts dans les Ailes des Crêtes."Au début ça a surpris, mais il y a eu des réunions publiques sur le projet et cela a permis de répondre aux interrogations. ".

L'impulsion vient plus des citoyens que des élus. Ils ont besoin d’être poussés.(..) Mais il y a dans le territoire une tradition de la participation citoyenne.
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Il y a un mois, la communauté de communes a été reçue à l’Élysée et reconnue "territoire à énergie positive" (TEPOS). Outre la région et la communauté de Communes, une trentaine des 95 maires des 95 que compte la communauté des communes soutient le projet. Le soutien politique est essentiel. Mais c'est avant tout des citoyens que viennent les attentes et l'impulsion. "C'est une dynamique qui vient d'en bas, c'est nouveau pour le citoyen mais aussi pour l'élu local ", estime Ingrid Julien, coordinatrice du projet :
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**Une éolienne des enfants **
Cette semaine, à la réunion d'équipe d'Enercoop, Christel Sauvage est arrivée avec de bonnes nouvelles. L'une des trois éoliennes appartiendra uniquement à des enfants. Ce sera la troisième éolienne d'enfants dans le monde - une première en France. Il a fallu trouver des solutions juridiques : la structure vient d'être créée.
Vers une ferme européenne d'éoliennes d'enfants L’association belge Kids and win travaille à un réseau d'éoliennes d'enfants à travers l'Europe. En 2006, elle a mis en service à Mesnil-Eglise la première éolienne propriété exclusive d'enfants. Elle sert de support pédagogique pour sensibiliser les enfants aux enjeux énergétiques.

Louis 17 ans, et Oscar-Kim, 5 ans, font partie des enfants à posséder une part de l'éolienne. Ensemble, ils découvrent le site dont ils sont en partie propriétaires :
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Avec ce projet d'éolienne d'enfants, il n'est pas seulement une question d'énergie - mais aussi de sensibilisation et de formation aux enjeux de la transition énergétique. "On va lier les enfants des différentes éoliennes en Europe, Au-delà de la propriété, il y a un projet de lien social. Qu'est-ce qu"il y a derrière ? On sait que les énergies fossiles sont sources de conflit. Ici, il s'agit de montrer qu'au contraire, les énergies renouvelables, difficilement accaparables, sont sourcesde liens sociaux s", explique Ingrid Julien. Les éventuels dividendes seront versés aux enfants sous forme de formation citoyenne. "Il ne s'agit pas d'en faire des rentiers" , souligne, amusée, Christel Sauvage. Une vingtaine de projets similaires, soutenus par Energie partagée, existent à travers la France.
Initiatives militantes
Des réseaux militants ont aussi vu le jour comme
le réseau Alternatiba. ** Il s'agit au départ d'une poignée de citoyens qui décide de faire connaître toutes les initiatives et les alternatives pour lutter contre le réchauffement climatique (
écoutez l'émission "Terre à terre"). Les membres de ce réseau animeront durant la conférence de Paris, le village mondial des alternatives. Symboliquement, Alternatiba a décidé de rejoindre en vélo la capitale depuis Bayonne. Le départ est donné ce vendredi 5 juin. 5637 km pour 187 étapes avec chaque soir des rencontres, des échanges et des débats. **Txex Etcheverry, co-fondateur du mouvement altermondialiste Bizi (Vivre) , sera du périple. Il l’explique à Véronique Rebeyrotte :
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Sur les réseaux sociaux, vous nous avez raconté votre investissement citoyen pour la transition énergétique :

](http://www.franceculture.fr/tags/24h-quel-temps-fait-il)
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