Andreï Zviaguintsev ou le cinéma de la déshérence morale russe

"C'est au moment où nous commençons à comprendre quelque chose de la vie qu'il nous faut la quitter". Ce sont les mots d'André S. Labarthe, cinéaste et producteur, grande figure de la cinéphilie, passeur de cinéma, co-fondateur avec Jeanine Bazin de la collection mythique "Cinéastes de notre temps", disparu ce lundi 5 mars 2018, à qui Plan Large rend hommage en début d'émission avec l'historien du cinéma Antoine de Baecque. 

André S. Labarthe a traversé 60 ans de cinéma, en poursuivant son travail de critique commencé dès les années 1950. La série "Cinéastes de notre temps" est ce qui s'est fait de plus beau dans l'Histoire de la télévision mondiale. Antoine De Baecque

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Un cinéaste de notre temps, c'est ainsi que l'on pourrait qualifier Andreï Zviaguinstev, apparu sur la planète cinéma en 2003, à Venise, où il remporta à la fois le Lion du futur et le Lion d'Or, pour son premier film Le Retour. Depuis, le cinéaste russe a créé en 15 ans, une filmographie d'une profonde cohérence, de Léviathan, en passant par Le Bannissement et Elena, jusqu'à Faute d'amour en 2017, qui lui valu le César du meilleur film étranger et le prix du Jury au Festival de Cannes. Grand héritier d'Andreï Tarkovski, Andreï Zviaguintsev est à 53 ans, le plus connu des cinéastes russes de sa génération, célébré dans le monde entier et paradoxalement très critiqué dans son propre pays. 

Il y a deux périodes dans le cinéma d'Andreï Zviaguintsev : les films hors-sol, en dehors de la Russie, emprunts d'universalité (Le Bannissement et Le Retour) et les films politiques, ancrés en Russie (Elena, Leviathan, Faute d'amour). Joël Chapron 

Cinéaste de l'ellipse et du non-dit, Andreï Zviaguintsev se plaît à déboulonner les figures les plus sacrées d'une Russie éternelle et à filmer les tourments intimes et moraux de ses personnages, à la mise en scène majestueuse, dans un monde déspiritualisé. A l’occasion de la sortie de l'intégrale de ses films en coffret DVD (Pyramide Vidéo), Plan Large sur un cinéaste moraliste, non moralisateur avec Joël Chapron, traducteur et spécialiste du cinéma russe, adaptateur en français de ses 5 longs métrages avec à ses côtés, l'historienne Eugénie Zvonkine, maître de conférences en études cinématographiques à Paris 8, et qui dirige notamment l’ouvrage Le cinéma russe contemporain, (r)évolutions, aux Presses Universitaires du Septentrion.

Joël Chapron sera au Livre Paris, le samedi 17 mars de 12h à 13h pour une dédicace de son dernier ouvrage : Moscou et Saint-Pétersbourg mis en scènes publié aux éditions Espaces et Signes.
Édition de l'intégrale des films d'Andreï Tarkovski, en coffret DVD et version restaurée (Potemkine).

En dernière partie d’émission, la chronique de Mathieu Macheret sur l’ouvrage Sur quelques films vraiment sonores, d’Aimé Agnel, ancien professeur à l'IDHEC, psychanalyste et monteur, publié aux éditions de l'Oeil.

Ce livre réactive une idée chère à la critique des années 1960 : il existe une écoute active des films, dans lesquels le son est un univers, la voix est une composition, le texte est une musique et le silence, une figure sonore. Mathieu Macheret. 

Liste des extraits de films diffusés :

• Il était une fois André Labarthe, d'Estelle Frédet (2009)
• Générique de Cinéastes de notre temps, de Jeanine Bazin et André S. Labarthe 
• Vivre sa vie, de Jean-Luc Godard (1962)
• Le Retour, d'Andreï Zviaguintsev (2003)
• Le Bannissement, d'Andreï Zviaguintsev (2007)
• Elena, d'Andreï Zviaguintsev (2011)
• Leviathan, d'Andreï Zviaguintsev (2014)
• Faute d'amour, d'Andreï Zviaguintsev (2017)
• Le Bannissement, d'Andreï Zviaguintsev (2007)
• La Chinoise, de Jean-Luc Godard (1967)
• Val Abraham, de Manoel de Oliveira (1993)
• Clair de Lune, de Claude Debussy, dans Val Abraham de Manoel de Oliveira (1993)