Plan Large sur le cinéaste et photographe turc Nuri Bilge Ceylan, peintre de l'expressionnisme réaliste, du complexe et de l’équivoque, déjà multi récompensé en seulement 15 ans de carrière, en compagnie des critiques de cinéma Frédéric Mercier et N.T. Binh.
- Frédéric Mercier Critique de cinéma, membre de la rédaction de la revue Transfuge
- N.T. Binh Journaliste, critique, enseignant de cinéma (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Depuis la reconnaissance internationale que lui a valu son Grand Prix au Festival de Cannes en 2003 pour Uzak, jusqu’à la Palme d’or reçue au même festival des mains de Jane Campion, en 2014, pour Winter Sleep, et même si son dernier film, pourtant sans doute son plus abouti et son plus beau, Le Poirier sauvage, en est revenu bredouille, une fois n’est pas coutume, le Turc Nuri Bilge Ceylan s’est imposé en à peine 15 ans comme un des plus grands cinéastes vivants. Héritier de Tarkovski, Ozu, Bresson, Kiarostami et Bergman (il ne s’est jamais remis de la découverte, à 16 ans, du Silence), baigné de littérature russe en général et de Dostoïevski et Tchekhov en particulier, ses détracteurs lui reprochent son exigence perfectionniste pour le cadrage et la lumière, son pessimisme qu’ils qualifient volontiers de misanthropie, et surtout la lenteur, la longueur jugée excessive de ses films. Or il faut bien cette expérience du temps, souvent du temps réel, pour dérouler dans ses contes moraux, philosophiques, voire métaphysiques, cette investigation profonde des recoins les plus obscurs de l’âme humaine, de ses tourments quasi météorologiques.
Nuri Bilge Ceylan, c’est l’anti Hitchcock, pour qui le suspense donne plus d’informations au spectateur afin qu’il rende les moments creux palpitants, alors que Ceylan veut qu’on soit exactement dans la même situation que le personnage. Il ne veut pas que le spectateur soit plus intelligent. Lorsque la beauté est suffocante à l’écran, les personnages ont alors la même émotion. Il nous rend complice de son cinéma.
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La sortie d’un coffret Blu-ray regroupant l’intégrale de ses films, de Kasaba au Poirier Sauvage, nous offre, dans Plan Large, l’occasion de nous replonger dans cette œuvre au lyrisme mélancolique que Nuri Bilge Ceylan conçoit « comme des lettres que l’on envoie dans l’obscurité ». Pour nous éclairer, armé de sa lampe à huile, un des meilleurs connaisseurs de son œuvre, le critique Frédéric Mercier, coauteur avec Pierre Murat des bonus de cette édition Blu-ray, et N.T. Binh.
Les films de Nuri Bilge Ceylan produisent toujours un moment d'engourdissement de l'esprit, plonge les spectateurs dans un état hypnagogique. Son oeuvre est une suite, liée par un motif inventé, qu'il explore de films en films. Frédéric Mercier
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En fin d’émission, la chronique de N.T. Binh sur la rétrospective Alberto Lattuada à la Cinémathèque française du 30 janvier au 25 février à Paris. Figure inclassable et iconoclaste, cinéaste difficile à cerner, Alberto Lattuda est atypique, éclectique, passionné, comme Nuri Bilge Ceylan, de littérature russe (il a adapté Tchekhov, mais aussi Gogol, Pouchkine, Boulgakov). Sa filmographie, étalée sur plus de cinquante ans, a touché à à peu près tous les genres du cinéma italien, avec, presque toujours, une forte dimension érotique. Son film Venez donc prendre le café… chez nous (1970) sort en salles, et en DVD, le 30 janvier dans une version restaurée.
Les recommandations de Plan Large
L’intégrale en Blu-ray des films de Nuri Bilge Ceylan, avec aussi Le Poirier Sauvage, son dernier film en date, sont édités par Memento Films.
La rétrospective Alberto Lattuada est à voir à la Cinémathèque française jusqu’au 25 février. Le 30 janvier sort en salles, et en DVD, Venez donc prendre le café ... chez nous, d'Alberto Lattuada en version restaurée.
En salles depuis le mercredi 23 janvier trois grands classiques en copie neuve : Les Raisins de la colère, de John Ford, Haute Pègre, et La Passante du Sans-souci, de Jacques Rouffio, le dernier film de Romy Schneider, en 1982.
Hommage à l'artiste Jonas Mekas, figure légendaire du cinéma indépendant américain, voire carrément underground, disparu mercredi 23 janvier 2019 à l’âge vénérable de 96 ans. Diariste cinématographique, son journal filmé est d’une grande beauté, et a donné lieu à de nombreux films, comme Walden, son plus connu, en 1969. Compagnon de route d’Andy Warhol et de toute l’avant-garde artistique américaine, on lui doit bien sûr la fondation, avec Stan Brakhage et Peter Kubelka, entre autres, de l’Anthology Film Archives, en 1970, qu’il a dirigée jusqu’à sa mort. Retrouvez son audio-livre : Jonas Mekas, à Pétrarque, qui nous convie à une traversée autobiographique au long cours, à regarder autant qu'à écouter aux éditions Dis Voir, collection ZagZig.
Extraits de films
- Kasaba, de Nuri Bilge Ceylan (1997)
- Nuages de mai, de Nuri Bilge Ceylan (1999)
- Uzak, de Nuri Bilge Ceylan (1999)
- Les Trois Singes, de Nuri Bilge Ceylan (2008)
- Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan (2011)
- Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan (2014)
- Franz Schubert : Sonate en La majeur, par Alfred Brendel (bande originale de Winter Sleep et Uzak)
- Venez donc prendre le café ... chez nous, d'Alberto Lattuada (1970)
- I Giganti : Tutta tutta, dans la bande originale Venez donc prendre le café ... chez nous, d'Alberto Lattuada (1970)
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