Alfred Hitchcock connaît dans les années 1950 les débuts d’un âge d’or où il porte au plus haut point de perfection sa danse d’amour et de mort, et invente dans ses œuvres les formes qui incarnent ses obsessions de toujours. Plan large sur une décennie presque parfaite ...
- Julie Michot Maîtresse de conférences en anglais à l’Université du Littoral, Côte d’Opale
- Marcos Uzal Critiques de cinéma, réalisateur
- Bernard Benoliel Directeur de l'Action culturelle à la Cinémathèque française
Les années 1950 sont une décennie parfaite, Hitchcock rencontre énormément de succès publics, les moyens de ses ambitions formelles sont soutenus par le fait que ses films sont des succès. Hitchcock regardait beaucoup ce que faisaient les autres, il se faisait projeter les films, les regardait et se demandait où il en était lui dans son cinéma, par rapport à ce qu’il identifiait comme la modernité. Bernard Benoliel
C'est à partir des années 1950, comme le dit Jean-Luc Godard dans ses Histoire(s) du cinéma, que « Alfred Hitchcock [réussit] là où échouèrent Alexandre, Jules César, Napoléon : prendre le contrôle de l’univers ». Avec des succès mondiaux, et la liberté qu’ils lui procurent, en réunissant de films en films une équipe artistique d’exception, en construisant aussi par ses apparitions à la télévision son personnage de démiurge débonnaire à l’humour ironique, Alfred Hitchcock connaît dans les années 1950 les débuts d’un âge d’or, une décennie qui réunit toutes ses motifs et ses obsessions, durant laquelle le directeur de la photographie Robert Burks travaillera la lumière et l'espace si singulier, sur pas moins de 12 films.
Le génie d’Hitchcock, c’est d’avoir conscience plus que tout autre cinéaste, de savoir ce qu’est un spectateur de cinéma. Marcos Uzal
Au programme de Plan Large aujourd’hui, des hommes qui souhaitent, et parfois obtiennent, la mort de leur femme, de la plus complexe des façons, et des amours nécrophiles ; des faux et fausses coupables (mais qui n’est pas toujours un peu coupable de quelque chose ?) ; des échanges de meurtres et des doubles mixtes ; des hommes, et même des chiens, qui en savent trop ; des voyeurs et des metteurs en scène ; et enfin, des objets, voire des coiffures, fétichisés au-delà du possible.
Pour ces personnages de femmes blondes froides et inaccessibles, la technique d’Hitchcock était de travailler sur le contraste : la femme blonde qui donne l’image d’être froide, mais qui ne l’est pas du tout une fois qu’elle est dans l’intimité avec un homme. Et c’est exactement ce qui se passe avec Kim Novak dans "Vertigo", où tout se passe dans un regard, et bien sûr Grace Kelly dans "La Main au Collet" ou dans "Fenêtre sur cour", avec les deux scènes de baiser au ralenti. Julie Michot
Parce qu’il est inépuisable, et donc toujours à reprendre, pour parler du Hitchcock 1950 dans Plan Large, deux suspects habituels de l’émission, qui en savent sans doute trop sur l’oncle Alfred, mais ce n’est jamais assez : Julie Michot, autrice de Fenêtre sur cour, d'Alfred Hitchcock : sortir du cadre (éditions Universitaires de Dijon) un film inscrit au programme de l’agrégation de lettres classiques et modernes, et Bernard Benoliel, de la Cinémathèque française, qui a dirigé l’impressionnante somme Hitchcock, la totale, paru aux éditions E/P/A.
Ce n’est pas trop fort de dire, que quiconque se met devant "Vertigo" en est traumatisé à vie. Et même si sur le moment, il a l’impression d’en être sorti indemne. Il y a quelque chose de l’ordre du tatouage, presque inexplicable. Le film est construit comme une spirale, dont on ne peut pas sortir. Cette beauté formelle est proprement inépuisable. Le film est à la fois un sommet du romantisme et d’un anti-romantisme implacable. On vit dans le temps du film l’expérience du sentiment le plus effréné et sa condamnation la plus irrémédiable. Bernard Benoliel
En fin d'émission, la chronique de Marcos Uzal, sur l'ouvrage Descente aux limbes, de Patrice Rollet, édité chez P.O.L. Pull My Daisy est le premier film du photographe Robert Frank, un film underground, qu’analyse le critique Patrice Rollet, éminent membre du comité de rédaction de la revue Trafic, dans un recueil d’articles récemment paru, Descentes aux limbes – Confins du cinéma, où on trouve aussi des classiques hollywoodiens de Leo McCarey, Jacques Tourneur, Samuel Fuller et Victor Sjöström, autant de « films termites », pour reprendre le concept du critique américain Manny Farber, qui creusent cet espace négatif, que nous invite à explorer dans son livre Patrice Rollet, aux confins du cinéma, et à la recherche de « l’inconscient visuel » des films.
Actualités hitchcockiennes
Rétrospective Alfred Hitchcock est à voir à partir du 5 février à la Filmothèque du Quartier Latin à Paris.
Autres livres autour d'Hitchcock : Alma a adoré, de Sébastien Rongier et Sur ses traces, de Thierry Clech sont tous deux publiés chez Marest éditeur. La bande dessinée Alfred Hitchcock, de Noël Simsolo et Dominique Hé est éditée chez Glénat.
Soirée Hitchcock le dimanche 2 février sur Arte : Fenêtre sur cour suivi du documentaire inédit Dans l’ombre d’Hitchcock (puis sur Arte.tv) et trois pépites des années anglaises L’Homme qui en savait trop (1934), Sabotage (1936) et Jeune et innocent (1937) sont disponibles sur Arte.tv jusqu'au 31 mai.
Les extraits de films
- L'Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train), d'Alfred Hitchcock (1951)
- Le Crime était presque parfait (Dial M for Murder), d'Alfred Hitchcock (1954)
- Fenêtre sur cour (Rear Window), d'Alfred Hitchcock (1954)
- L'Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much), d'Alfred Hitchcock (1956)
- Le Faux Coupable (The Wrong Man), d'Alfred Hitchcock (1956)
- Sueurs Froides (Vertigo), d'Alfred Hitchcock (1957)
- La mort aux trousses (North by Northwest), d'Alfred Hitchcock (1959)
- Pull my daisy, de Robert Frank et Alfred Leslie (1959)
- L'enquête est close (Circle of danger), de Jacques Tourneur (1951)
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