Plan large sur la cinéaste Kira Mouratova, électron libre et cinéaste incontournable du cinéma soviétique et post-soviétique. Longtemps censurée par le régime soviétique, elle reste aujourd'hui encore largement méconnue, a contrario des cinéastes de sa génération comme Tarkovski ou Konchalovski.
- Eugénie Zvonkine Maîtresse de conférences à l’Université Paris-8, spécialiste du cinéma soviétique, russe et ukrainien
- Marcos Uzal Critiques de cinéma, réalisateur
Kira Mouratova aimait parler d’elle en citant ces quelques vers de Maïakovski : « Je veux être compris par mon pays. / Mais si je ne le suis pas, eh bien, / je traverserai ma patrie en passant de côté, / comme une pluie oblique d’été. »
Farouchement intransigeante, la cinéaste ukrainienne a connu le redoutable honneur d’en être une des cinéastes les plus censurés de l'ère soviétique, de ses débuts en 1967 jusqu’en 1986, quand débute la Perestroïka et que ses films quittent enfin les étagères où ils avaient été reclus. Et même là, alors que la censure n’existe plus officiellement, elle trouve encore le moyen de manquer de se faire interdire un de ses films. Ce que lui reprochaient tous les pouvoirs ? Moins tant le contenu politique de ses œuvres que son exigence inflexible, son refus de jouer le jeu et de plier l’échine. Mais surtout, la forme unique et radicale de ses films : décadrés, disruptifs dans leur narration, saturés de personnages passionnés, soliloqueurs doux dingues et mélancoliques, baignant dans une bande-son volontiers dissonante, pour ne pas dire cacophonique.
Kira Mouratova était une cinéphile éclectique, passionnée par le western, les Charlot et les Nouvelles Vagues occidentales. On remarque un plaisir de la répétition ainsi que l’humour noir, qui irrigue tous ses films, et c'est le point de raccordement entre les deux parties de son oeuvre, soviétique et post-soviétique. Le rapport au monde est cruel et drôle à la fois. Eugénie Zvonkine
Une œuvre « toujours surprenante, protéiforme et dérangeante, qui ne cesse de se dérober aux attentes du spectateur », pour reprendre les mots de sa grande apôtre, qui lui avait consacré sa thèse de doctorat, notre invitée dans Plan Large : Eugénie Zvonkine. C’est en grande partie grâce à elle qu’on redécouvre aujourd’hui la cinéaste, disparue en juin 2018 : après la rétrospective de cet été au Festival de La Rochelle, on peut en effet depuis le 25 septembre, admirer ses films à la Cinémathèque française, et dès mercredi 2 octobre sortiront en salles, à Paris et partout en France, cinq d’entre eux. A ses côtés, un autre fervent mouratovien, Marcos Uzal.
Le cinéma pour Mouratova est une consolation, une joie, un opium, mais jamais un reflet du réel. Eugénie Zvonkine
En fin d'émission, la chronique de Marcos Uzal, sur la rétrospective Philippe Garrel, à la Cinémathèque française, à Paris, du 18 septembre au 20 octobre. Où en est le cinéaste résolument attaché au 35 mm et à la prise unique aujourd’hui ? En attendant son prochain film, Le Sel des larmes, et quinze ans après la dernière rétrospective, c’est encore à la Cinémathèque française qu’on peut depuis le 18 septembre se remettre dans l’œil les noirs et blancs, qui signent toute l'incandescence primitive de son oeuvre.
Les recommandations de Plan Large
Autour de Kira Mouratova : Brèves rencontres, Les longs adieux, Parmi les pierres grises, Changement de destinée et Le Syndrome asthénique, seront en salles, et en copie restaurée, à partir du mercredi 2 octobre. L'ouvrage Regardez attentivement les rêves de Kira Mouratova et Vladimir Zouev : un scénario sans film, d'Eugénie Zvonkine est édité chez L'Harmattan.
Exposition : L’œil extatique. Sergueï Eisenstein, cinéaste à la croisée des arts est à voir jusqu’au 24 février au Centre Pompidou-Metz.
Festivals : Mike Leigh est l’invité d’honneur successivement du Dinard Film Festival, jusqu’au 29 septembre, et de War On Screen, du 1er au 6 octobre à Châlons-en-Champagne. Et le cinéaste brésilien Julio Bressane est à l'honneur au Festival de Biarritz Amérique Latine, du 30 septembre au 6 octobre.
Ressorties de trois films, en version restaurée, du cinéaste Hal Hartley, The Long Island Trilogy : The Unbelievable Truth – Trust Me – Simple Men, en salles le 25 septembre.
La prochaine séance au Majestic Bastille, présentera le film Nos Défaites, de Jean-Gabriel Périot à 20h, en sa présence avec une rencontre à la fin de la séance :
Extraits de films diffusés
- Brèves rencontres, de Kira Mouratova (1967)
- Les Longs Adieux, de Kira Mouratova (1971)
- Parmi les pierres grises, de Kira Mouratova (1983)
- Changement de destinée, de Kira Mouratova (1987)
- Le Syndrome Asthénique, de Kira Mouratova (1989)
- L’Éternel retour, de Kira Mouratova (2012)
- Les amants réguliers, de Philippe Garrel (2005)
- Les baisers de secours, de Philippe Garrel (1989)
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