

Plan Large sur le cinéma nonsensique, au cœur de l’incohérence, de l’absurde et de la folie, de l’autre côté du miroir et de l’écran, dans le monde inversé, de Lewis Carroll à Quentin Dupieux, en passant par les Monty Python avec Antoine Angé, auteur du précieux essai "Nonsense et cinéma".
- Antoine Angé Dessinateur et essayiste
- Mathieu Macheret Critique de cinéma, journaliste au Monde et aux Cahiers du Cinéma
Le nonsense respecte la syntaxe et les règles de grammaires, mais en inversant le sens et la logique. Le cinéma est l’outil propre du nonsense qui va récupérer à la fois de la littérature, à la fois des images incohérentes et il va transformer tout ça, avec un facteur temps différent. Les réalisateurs utilisent des moyens proprement cinématographiques et petit à petit dérivé vers quelque chose de loufoque et d’absurde.
Antoine Angé
Si le nonsense, ce périlleux équilibrisme entre terre à terre et merveilleux, a fait les beaux jours de la littérature, depuis Edward Lear et Lewis Carroll, (on pourrait même remonter à Rabelais, Shakespeare, Edgar Poe et Victor Hugo), avec ses jeux de langage propulsant le lecteur dans un monde absurde et paradoxal dont le sens lui échappe, il a trouvé son équivalent dans le cinéma dès ses origines, provoquant chez le spectateur un sentiment d’étrangeté et de mystère dont il ne s’est jamais vraiment remis.
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Le nonsense, un pastiche du réel
Car "s’il existe un instrument plus propre que tout autre à enregistrer et souligner le décalage immense qui existe entre l’homme et sa propre image, c’est bien le cinéma", écrivait en 1957, dans son Anthologie du Nonsense, le surréaliste, grand critique et historien du cinéma qu’était Robert Benayoun. Celui-ci a étudié le cinéma nonsensique avec un livre qui a fait date, Les Dingues du nonsense, de Lewis Carroll à Woody Allen, qui trouvait chez les grands burlesques américains : Laurel et Hardy, W.C. Fields et les Marx Brothers, mais aussi chez Tex Avery, Jerry Lewis ou les Monty Python, et donc Woody Allen, cette façon, par le gag, "cet atome nonsensique dont la fission provoque l’éclat de rire en champignon", d’explorer les failles et les limites de la raison commune.
Restait à étudier en détails les dispositifs propres au cinéma qui provoquent ce vertige de l’esprit, et à ouvrir une nouvelle voie, celle d’un nonsense à la française. C’est ce qu’a fait, des pionniers Emile Cohl, George Méliès et Jean Durand, jusqu’à Quentin Dupieux aujourd’hui, en passant par Luis Buñuel et Luc Moullet, notre invité aujourd’hui dans Plan Large : Antoine Angé, qui publie aux éditions Lobster un précieux essai, Nonsense et cinéma. Il hante également les couloirs de l’Assemblée nationale pour y raconter en dessins, sous le pseudonyme de Kokopello, le quotidien des députés, c’est dire s’il s’y connaît en absurde !
On retrouve chez les pères fondateurs du nonsense que sont Edward Lear et Lewis Carroll, le jeu sur les mots et le langage, suivi de l’illustration. Les personnages sont créés à partir de ces mots. La principale qualité du nonsense c’est de dire "Non, moi j’ai raison, mais dans mon sens" et pas forcément dans le sens de la raison commune. (…) Le nonsense est pleinement ancré dans le réel. Paradoxalement, il engendre du merveilleux et est à la fois utilisé comme un pastiche du réel. Penser qu’il y a un merveilleux nonsensique, ce n’est pas simplement de l’absurde, c’est un monde ordonné avec ses propres règles.
Antoine Angé
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"Sátántangó", un film-monde
En fin d'émission, la chronique de Mathieu Macheret sur Sátántangó, la fresque du cinéaste hongrois Béla Tarr, une œuvre monstre du cinéma moderne, disponible en DVD et Blu-Ray aux éditions Carlotta. Deux ans de tournage, deux ans de montage pour 7h20 de film, auscultant des hommes et des femmes abîmés, dans des paysages désolé par une météo apocalyptique. Le Tango de Satan, Sátántangó est une splendeur noire, "une œuvre charnière" dans le travail de Béla Tarr, un de ces "films dont on ne revient jamais" selon Mathieu Macheret.
Extraits de films
- Alice, de Jan Svankmajer (1988)
- La Soupe au canard, de Leo McCarey (1933)
- Señor Droopy, de Tex Avery (1949)
- Le Fantôme de la liberté, de Lui Bunuel (1974)
- La Comédie du travail, de Luc Moullet (1988)
- Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, d'Alain Chabat (2002)
- Wrong, de Quentin Dupieux (2012)
- Extrait de la bande originale du film Le Sens de la vie, de Terry Jones et Terry Gilliam (1983)
- Deux extraits de Sátántangó (Le Tango de Satan), de Béla Tarr (1994), disponible en DVD et Blu-Ray aux éditions Carlotta
Réécoute du 16 février 2019
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