S comme Jerzy Skolimowski, cinéaste-aventurier : "Depuis le début, j'avais un plan secret pour faire du cinéma"

Deep End, de Jerzy Skolimowski (1971)
Deep End, de Jerzy Skolimowski (1971) - Bavaria Film / Carlotta (2011)
Deep End, de Jerzy Skolimowski (1971) - Bavaria Film / Carlotta (2011)
Deep End, de Jerzy Skolimowski (1971) - Bavaria Film / Carlotta (2011)
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Figure de proue de la Nouvelle Vague polonaise, Jerzy Skolimowski est l'auteur d'une œuvre tout en ruptures et variations, faite de chefs-d’œuvre qui ont marqué le cinéma moderne et contemporain. Rencontre inédite avec un cinéaste insaisissable et irréductible.

Avec

Lorsque j'ai réalisé "Deep End", j'avais une urgence personnelle de couleurs et de peinture. Chaque matin, je cherche l'appétit dans les couleurs, un appétit équivalent pour faire du cinéma. Jerzy Skolimowski

Serge Daney disait de ses films qu’ils passaient devant nous comme des trains lancés à grande vitesse, et qu’on ne pouvait en capturer que le sillage de beauté. Imprévisible et insoumis, c’est ainsi qu’est toujours apparu le cinéma de Jerzy Skolimowski, une filmographie chaotique, tout en foisonnement, ruptures et variations, due à un exil forcé qui lança, à la fin des années 1960, celui qui avait, avec Roman Polanski, inventé le Nouveau Cinéma polonais, sur les routes d’une carrière erratique d’exilé perpétuel, de la Belgique et l’Italie à l’Angleterre et jusqu’aux Etats-Unis, carrière même longtemps interrompue, pendant 17 ans, pour se consacrer à la peinture. De Signes particuliers : néant et Walkower jusqu’à ses derniers films en date, Essential Killing, un saisissant survival dans la neige, et 11 minutes, décomposition cubiste d’un événement dramatique, Skolimowski a pourtant réussi à construire une œuvre passionnante, tragique et burlesque, poétique et énergique, aventureuse et fantasque, libre et insolente, qui traduit une vision incisive et désenchantée de la société contemporaine dans de fulgurantes idées de mise en scène. 

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Le Départ, Deep End, Travail au noir, Le Bateau-phare, entre autres chefs-d’œuvre, ont marqué le cinéma moderne et contemporain, et font tout naturellement de Jerzy Skolimowski l’invité d’honneur du Festival du cinéma restauré Toute la mémoire du monde, à la Cinémathèque française, qui propose également jusqu’à la fin du mois une rétrospective intégrale de ses films, alors que quatre d’entre eux, en copies restaurées, font l’objet de sorties en salles et d’éditions Blu-ray par Malavida. C’est dire notre bonheur de recevoir dans Plan Large, ce samedi en direct, le poète et peintre, boxeur et immense cinéaste-aventurier qu’est Jerzy Skolimowski. De l'école de Lodz à sa rencontre avec Jean-Luc Godard, en passant par son exil et le Coup d'Etat polonais, jusqu'à sa rencontre avec l'acteur Jeremy Irons autour d'une bouteille de vodka et le Prix du Scénario au Festival de Cannes en 1982, le cinéaste se livre au fil des anecdotes de tournages et nous raconte la genèse de ses films et de ses rencontres les plus fameuses. (Ses propos sont traduits par Harold Manning). 

En fin d’émission, la chronique de Mathieu Macheret sur le coffret collector du film Time and Tide, de Tsui Hark, édité par Carlotta. C’est rien moins que par un récit de la création que commence ce Time and Tide, tout en voix-off, virée urbaine, récit fragmenté et sautes temporelles : si l'on pouvait se croire un instant dans les années sauvages du jeune Wong Kar-Wai, c'est bien pourtant du côté de chez Tsui Hark, autre cinéaste hongkongais, que l'on atterrit, avec l'édition de l'un de ses chefs-d’œuvre, le dernier en date, depuis que le cinéaste tourne désormais d'ambitieux blockbusters au sein de l'industrie chinoise, comme par exemple la série des Detective Dee. Mais avant cela, Tsui Hark fut l'enfant terrible du cinéma hongkongais des années 1980 et 1990, auteur survolté de classiques du cinéma de genre, comme Il était une fois en Chine avec Jet Li, The Blade, ou Zu les guerriers de la montagne magique, insatiable inventeur de formes et expérimentateur. Après avoir tenté d'infiltrer le marché américain en deux pochades avec Jean-Claude Van Damme, Time and Tide, polar protéiforme et éclaté, marquait le grand retour du cinéaste à Hong-Kong, sous la double forme d'une synthèse et d'un exutoire.

Time and Tide, de Tsui Hark (2000)
Time and Tide, de Tsui Hark (2000)
- COLUMBIA PICTURES FILM PRODUCTION ASIA LIMITED. Tous droits réservés.

Les recommandations de Plan Large 

Dimanche 17 mars, Jerzy Skolimowski donne une Master class à 14h15 à la Cinémathèque française à Paris et y présentera certains de ses films. Deux d’entre eux, Signes particuliers : néant, jusqu’ici inédit en salles, et Travail au noir, ressortent mercredi 20 mars en copie restaurée. Pour Walkower et Le Bateau-phare, il faudra attendre le 10 avril. Le même jour, Travail au noir et Le Bateau-phare sortiront en Blu-ray, en attendant un coffret DVD collector qui rassemblera ces quatre films, plus Le Départ, le tout chez Malavida.

Pour aller plus loin, retrouvez le Festival Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque française, accompagné d'un entretien avec Jerzy Skolimowski dans le numéro 3 de la revue de cinéma Revus et Corrigés, de mars 2019 ainsi que l'ouvrage de référence co-dirigé par Jacques Déniel, Alain Keit et Marcos Uzal, Jerzy Skolimowski : Signes particuliers, édité chez Yellow Now (2013)

Le Village, une série en 18 épisodes, réalisée par Claire Simon est présenté pour la première fois en salle en deux séances dans le cadre du Cinéma du Réel le samedi 16 mars à 18h15 (saison 1) et le dimanche 17 mars à 18h30 (saison 2) au Forum des Images à Paris. La diffusion dans leur intégralité est prévue le 14 septembre 2019 sur Ciné + puis en 2020 sur TV5 Monde. 

Toujours au Cinéma du réel, un hommage est rendu à la cinéaste Jocelyne Saab avec la projection de Les enfants de la guerre, suivie de Rissala min Beirut, le samedi 16 mars à 18h20 et le mercredi 20 mars à 17h10 au Centre Pompidou à Paris. 

Du 19 mars au 6 avril, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé consacre un cycle au cinéma muet indien, de 1910 à 1933. 

Extraits diffusés 

  • Signes particuliers : néant, de Jerzy Skolimowski (1962)
  • Walkower, de Jerzy Skolimowski (1962)
  • Le Départ, de Jerzy Skolimowski (1967)
  • Deep End, de Jerzy Skolimowski (1970)
  • Travail au noir, de Jerzy Skolimowski (1982)
  • Le Bateau-Phare, de Jerzy Skolimowski (1986)
  • Cat Stevens, I Might Die Tonight, tiré la bande originale du film Deep End, de Jerzy Skolimowski (1970)
  • Trois extraits de Time and Tide, de Tsui Hark (2000)