Rythme effréné, personnages excentriques aux dialogues virtuoses, et campés par un casting flamboyant, la Screwball Comedy a su déjouer le Code Hays en faisant hurler de rire l'Amérique des années 1930 et 1940. Plan large sur un genre moderne, qui a révolutionné le cinéma classique hollywoodien.
- N.T. Binh Journaliste, critique, enseignant de cinéma (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
- Charlotte Garson Rédactrice en chef adjointe des Cahiers du cinéma
- Clara Kuperberg Réalisatrice et productrice, co-fondatrice de Wichita Films
- Julia Kuperberg Réalisatrice et productrice, co-fondatrice de Wichita Films
Un Plan Large au générique prestigieux, avec, excusez du peu, Clark Gable, William Powell, Fredric March, Cary Grant et James Stewart, et pour leur rendre coup sur coup Claudette Colbert, Carole Lombard, Irene Dunne, Rosalind Russell et Katharine Hepburn, le tout mis en scène par Frank Capra, Gregory La Cava, William Wellman, Leo McCarey, Howard Hawks et George Cukor, tous au service d’un genre majeur du cinéma classique hollywoodien, la S_crewball_ C_omedy_, ou comédie loufoque en français, enfant de la crise qui fit hurler de rire l’Amérique du début des années 1930 à celle des années 1940, entre le New Deal et la Seconde Guerre Mondiale.
Le lien entre la Screwball Comedy et le slapstick, c’est un ressort comique qui s’appuie sur le physique. En revanche, c’est la différence essentielle d’avec le burlesque muet, c’est que ce sont les héros glamours qui deviennent comiques. Comme le dit le philosophe Stanley Cavell, c’est un art de la conversation qui permet de redéfinir le quotidien. (…) La cacophonie fait naître une harmonie. C’est quelque chose qui va se perdre dans les années 1950. Cette possibilité d’anarchie existe dans la Screwball Comedy et c’est ce qui fait que les films ne vieillissent pas.
N.T. BinhPublicité
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La Screwball Comedy, entre lutte des classes et guerre des sexes
La Screwball Comedy tire son nom du baseball, d’une balle à effet à la trajectoire aussi maîtrisée qu’imprévisible. Et imprévisibles, elles l’étaient en effet, ces comédies aux situations abracadabrantes, aux personnages excentriques jusqu’à la folie, servis des dialogues aussi pétulants qu’incisifs, qui mettaient en musique, avec un sens affûté de la critique sociale, la lutte des classes et la guerre des sexes, et surtout proposaient un nouvel équilibre dans les rapports hommes-femmes, à tel point qu’il fallut longtemps après la fin du genre pour que des actrices puissent retrouver, à l’écran, des rôles aussi forts et complexes.
On dit souvent que la Screwbell Comedy commence là où la comédie romantique s'arrête ! L’idée de la Screwball c’est de contester le mariage. C’est un genre très moderne. Les femmes se libèrent, elles ont le droit de vote depuis 1920. Il y a une libération sexuelle qui s’opère. Elles contestent le mariage. C’est la première fois qu’on voit des femmes ne pas vouloir se marier, et ne pas vouloir d’enfants.
Julia Kuperberg
Pour nous plonger dans ce formidable laboratoire d’improvisations et de subversion, deux spécialistes de l’âge d’or du cinéma américain et des mythes hollywoodiens, auxquels elles ont déjà consacré plus d’une quarantaine de documentaires : Clara et Julia Kuperberg sont nos invitées, pour un coffret DVD dont elles ont assuré la direction éditoriale, et qui comporte trois fleurons du genre et un de leurs documentaires, titré précisément La Screwball : une histoire de la comédie américaine.
"Sérénade à trois", d'Ernst Lubitsch par Charlotte Garson
En fin partie d’émission, la chronique de Charlotte Garson, sur la ressortie en version restaurée d'un film libre, drôle, éloge du trouple et des femmes puissantes : Sérénade à trois d'Ernst Lubitsch (1933). "L’immoralité peut être amusante, mais pas assez pour remplacer la vertu à 100% et trois repas par jour", dira dans le film le comédien fétiche de Lubitsch, Edward Everett Horton, dans le rôle de l’ineffable Max Plunkett. L’immoralité est délicieuse, chez Lubitsch, surtout dans cet éloge du trouple. Finalement, Sérénade à trois, c’est Jules et Jim 30 ans avant.
Les recommandations de Plan Large
Alors qu'en Suisse, les salles de cinéma ont rouvert, on peut aller voir sur grand écran les Rencontres 7e Art à Lausanne, qui proposent jusqu’au 2 mai plus de 20 chefs-d’œuvre sélectionnés en collaboration avec la Cinémathèque suisse. De Citizen Kane à Raging Bull en passant par Le Salaire de la peur, et même certains films en 35 mm !
Plan Large vous recommande le très beau film documentaire Ecoliers, de Bruno Romy, en immersion dans une classe de CM2 près de Caen, un film axé sur les élèves, leur regard, leur écoute et surtout leurs interactions, avec en interludes, des instants filmés dans la cour, au ralenti ou en accéléré, appuyés par des notes de piano, comme pour faire le lien entre les début du cinéma muet et les débuts de la vie. C’est à voir sur la plateforme la Vingt-Cinquième Heure à partir du 28 avril.
Le coffret DVD Screwball Comedy, une histoire de la comédie américaine, dirigé par Clara et Julia Kuperberg est édité aux éditions Montparnasse, tout comme le coffret Il était une fois … Hollywood.
Extraits de films
- New York-Miami (It Happened On Night), de Frank Capra (1934)
- Mon Homme Godfrey (My Man Godfrey), de Gregory la Cava (1936)
- La Joyeuse Suicidée (Nothing Sacred), de William A. Wellman (1937)
- Cette sacrée vérité (The Awful Truth), de Leo McCarey (1937)
- La Dame du Vendredi (His Girl Friday), de Howard Hawks (1940)
- Indiscrétions (The Philadelphia Story), de George Cukor (1940)
- Haute Société (High Society), de Charles Walter (1956)
- Deux extraits de Sérénade à trois, d'Ernst Lubitsch (1933), disponible sur la Cinetek
Réécoute du 11 janvier 2021
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