- Gilles Pinson Professeur de sciences politiques à Sciences Po Bordeaux
- Nadine Cattan Directrice de recherche au CNRS et directrice de l’UMR Géographie-cités
26 millions et demi. C'est le nombre de personnes qui habitent, travaillent et vivent dans les 17 aires urbaines métropolitaines de France, c'est à dire dans les 17 agglomérations de plus de 400 000 habitants. Soit 45% de la population hexagonale. Pourtant, l'illusion d'optique est tenace : ces 17 aires métropolitaines d'urbanisation continue étant bien loin d'occuper 45% de la superficie de la France, elles n'éliront pas, loin de là, 45% des députés en juin prochain. Et pourtant! La notion de métropolisation désigne bien plus que le rôle absolument central des grandes villes. Elle nomme aussi le fait que l'urbain enveloppe l'ensemble du territoire, de la société et de l'économie de la France – même les campagnes. Michel Lussault indiquait la semaine dernière que 97% du territoire français est urbain.
Terminé, le territoire découpé en régions plus ou moins rurales, qu'elles fussent agricoles ou industrielles, et polarisées par leurs capitales historiques; disparue, l'armature urbaine de villes connues pour leur spécialisation économique et hiérarchisées en fonction de leur éloignement à Paris. Si de nos jours, de Lille à Toulouse via Nantes, de Montpellier à Metz via Grenoble, chaque métropole affirme tant son récit culturel, touristique et visuel, c'est que leur fonctionnement et leur rôle se ressemblent de plus en plus.
Ainsi la métropolisation permettrait de rendre compte de la France au plus près de ce qu'elle est : un espace d'économie tertiaire, qui imbrique des services de proximité peu qualifiés, rendus par des travailleurs invisibles ou anonymes, et des emplois très spécialisés et bien rémunérés des sièges sociaux et du conseil aux entreprises. Les métropoles, hyper connectées entre elles, théâtre de mobilités tous azimuts, donnent au territoire français son unité et sa continuité européenne. Et pourtant, chacune d'elle est dilatée, polycentrique, segmentée, entre différents quartiers qui s'ignorent et des communautés sociales tentés, non plus par la lutte des classes, mais par l'entre soi et le rejet de la promiscuité. « L'ingouvernabilité, sinon par des oligarchies, serait le signe de l'existence d'une métropole » va jusqu'à se demander Gilles Pinson, l'un de nos deux invités.
Prolongez l'émission en images en lisant les billets de * Globe* , le blog de Planète terre, "La France est morte. Vive la France ! (de la carte au cartogramme)" ainsi que "Ni Est, ni Ouest : F. Hollande et N. Sarkozy labourent les terres qui sont à leur droite"
La semaine prochaine, troisième volet de notre série sur la nouvelle géographie de la France : des centres et des périphéries partout!
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