Al Berto est l'un des plus grands poètes portugais du XXème siècle, et l'un des plus populaires aussi, auteur d'une oeuvre héritière du romantisme et du symbolisme.
- Laurent Natrella Comédien, ancien sociétaire de la Comédie-Française
J’habite Lisbonne, comme si j'habitais à la fin du monde, quelque part où seraient réunis des vestiges de toute l'Europe. À chaque coin de rue, je trouve des morceaux d'autres villes, d'autres corps d'autres voyages. Ici, il est encore possible d'imaginer une histoire et de la vivre; ou de rester là, immobile, à regarder le fleuve, à feindre que le temps et l'Europe n'existent pas - et probablement Lisbonne non plus.
Al Berto
Poème : "Enfer", d'Al Berto
Lecture par Laurent Natrella, de la Comédie-Française
Sur l'aile douce du cri
Se reflète la lumière comestible du temps
La main transformée en pieuvre remue l'herbe
sèche dans le son du matin
Voici le monde féerique des blessures incurables
L'enfer
Même pendant que tu dors tu gémis
Abandonné aux bruits sourds de la pluie sur la vitre
Et au vent qui danse contre la persienne
Tu ne connaîtras jamais ta métamorphose en panthère aérienne
Je vais interdire que tu te promènes parmi les sentiments et les meubles
Et que tu te venges de l'habile séducteur de bêtes féroces.
Al Berto est l'un des grands poètes portugais du XXe siècle, l'un des plus populaires aussi. Né en 1948 à Coïmbre, sous le nom d’Alberto Pidwell Tavares, le poète a passé son enfance à Sines (Alentejo), ville qu’il a évoqué dans Mar de Ceva (1968). D’abord étudiant aux Beaux-Arts, Al Berto a quitté le Portugal pour la Belgique. Il n’est revenu à Lisbonne qu’en 1975, ville où il est mort 22 ans plus tard en 1997. Al Berto était poète, peintre, libraire, rédacteur littéraire, traducteur. Il collabora à diverses revues et publia plusieurs recueils de poésie, influencés par Rimbaud et Genet, mais aussi par les mouvements libertaires et par la génération beatnik américaine.
Tandis que, dans une première phase, sa poésie descend aux enfers d´une jeunesse errante et marquée par un univers urbain souterrain, où l´excès s´exprime, par exemple, dans le champ d´expériences marginales, comme celle des drogues ou à travers un fort érotisme homosexuel, à partir des années 1980, apparaît toute la mélancolie nomade et désillusionnée de quelqu´un qui nous donne un témoignage confessionnel, une sorte d´autobiographie émotive d´un homme qui semble progressivement entrer dans un spleen fait d´ennui et de solitude, mais aussi d´un narcissisme blessé qui l´entraîne à s´enfermer dans un cocon, où il s’abrite du monde extérieur en ayant recours à une écriture sereine et contemplative.
L’Institut Camõens
Son œuvre a été traduite en français par celui qui fut son ami, Michel Chandeigne et publié par les éditions L’Escampette. Parmi ses publications : Le Livre des retours (L'Escampette, 2004) ; Trois nouvelles de la mémoire des Indes (L’Escampette, 2001) ; Jardin d’incendie (L’Escampette, 2000) ; Lumineux noyé (L’Escampette, 1998) ; La secrète Vie des images (L’Escampette, 1996) ; La Peur et les Signes (L’Escampette, 1993).
L'équipe
- Conseiller(e) littéraire