

Des librairies aux salles de spectacles, la culture subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire pendant ce deuxième confinement. Quel rôle peut-elle et devrait-elle jouer dans ce contexte ? Quelle est la place des politiques culturelles dans la vie démocratique ?
- Aurore Bergé Députée des Yvelines, présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale
Le Français est un être paradoxal : s’il lit encore beaucoup, il lit de moins en moins en moyenne (la dernière enquête décennale sur les pratiques culturelles de la population).
Mais qu'on le prive d'accès à ses librairies et voilà qu'il se révolte !
La décision du gouvernement de placer celles-ci dans la catégorie des commerces non essentiels, à la faveur du reconfinement, ne passe décidément pas. D'autant que cette entrave devrait profiter aux plateformes de vente en ligne, à commencer par la plus vilaine d'entre toutes : Amazon.
Si le livre souffre de la crise sanitaire, que dire des autres secteurs du monde de la culture ? Manifestations annulées, activités au ralenti : les 2 milliards d’euros obtenus par la ministre Roselyne Bachelot dans le plan de relance gouvernemental ne suffiront sans doute pas à traverser cette crise sans dégâts.
Mais il ne s’agit pas d’une crise qui toucherait seulement les professionnels.
L'accès à la culture est aussi une des conditions de la citoyenneté.
La crise sanitaire, de ce point de vue, se présente comme un obstacle supplémentaire.
Comment faire vivre la culture malgré tout ?
Pour aller plus loin :
Qu'est devenue aujourd'hui la notion d'« exception culturelle », qui faisait dans les années 90 l'objet d'un large consensus dans la classe politique ?
Précisons d’abord qu’au sens strict cette notion d’exception culturelle n’a pas de valeur juridique, mais elle désigne bien une spécificité française pensée et mise en œuvre pour le financement de la culture. On peut faire remonter les origines de ce système à des temps très anciens : l'après-guerre avec la création du CNC en 1946, la Cinquième République avec la création du ministère des affaires culturelles sous l’autorité d’André Malraux.
Mais le grand combat de l’exception culturelle à la française remonte au début des années 90. Et c’est un combat qui rassemble l’ensemble de la classe politique française, du RPR Jacques Toubon, alors ministre de la culture, au Parti Socialiste et la présidence de la République. Nous sommes donc en 1993 en pleines renégociations du Gatt l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, des renégociations qui aboutiront à la création de l’OMC. La France fait pression pour que le cinéma et les œuvres audiovisuelles soient exclus de ce grand accord commercial.
Un combat politique et juridique. Il n’y a pas eu formellement de clause d’exception culturelle en 1993 mais les Européens ont tenu bon pour maintenir le secteur de l’audiovisuel en dehors de la logique du libre-échange avec les Etats-Unis.
Et c’est précisément à ce niveau européen que le combat reprendra quelques années plus tard. On se remobilise en France sous pour la défense de l’exception culturelle en 2013, pendant les années Hollande. Un accord de libre-échange avec les Etats-Unis est en discussion et le président de la Commission Jose-Manuel Barroso s’agace de la volonté française de ne pas y inclure l’audiovisuel. Il dénonce une vision du monde « réactionnaire ». Nouveau tollé général à Paris. Même si l’offensive de la commission apparaissait un peu à contretemps de l’histoire.
De fait la notion d’exception culturelle ne fait plus débat. On débat plutôt désormais de ses modalités. Y compris et surtout dans les négociations menées avec les géants du numérique, de Disney à Netflix.
A lire :
Emmanuel Macron et la culture, l’histoire d’un rendez-vous manqué, article (payant) publié dans Le Monde
Emmanuel Macron et la culture : trop d’effets de manche, article publié dans Télérama
Roselyne Bachelot : les dossiers qui l’attendent au ministère de la culture, article publié dans La Croix
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